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Les Jardins de Kensington de Rodrigo Fresà n Seuil - Points 2012 / 8 €- 52.4 ffr. / 480 pages ISBN : 978-2-7578-2663-8 FORMAT : 11cm x 18cm Traduit de l'espagnol (Argentine) par Isabelle Gugnon. Première publication française en septembre 2004 (Seuil) Roman funéraire Il est beaucoup question de fantômes dans ce roman de Rodrigo Fresà n, roman large, comme un fouillis littéraire dans lequel lÂ’intention biographique se mêle au réflexe autobiographique et au spleenÂ… Car sÂ’'il construit sur le mode romanesque la biographique dÂ’un autre romancier, James Matthew Barrie, père de Peter Pan, Fresà n y ajoute celle dÂ’un narrateur lui-même créateur dÂ’un personnage juvénile, Jim Yang, uni à Barrie dans la même souffrance. Tous deux ont perdu, enfants, leurs frèresÂ…. CÂ’est un deuil inépuisable que celui-là , une marque indélébile, vive, moteur de lÂ’imaginaire littéraire de deux écrivains qui se seront consacrés à retenir vainement ce temps non rédempteur, et son injuste fatalité. Les deux frères disparus ne reviendront pas, sinon sous les traits vaporeux de fantômes des lettres, ces gaillards farfelus, dont le premier, résident de Neverland, nÂ’est plus à présenter. Jim Yang, comme Peter, est un «héros au-dessus de la tyrannie des almanachs», «saint anarchiste chrono- illogique» ; cÂ’est un fantasme, la trace à lÂ’encre dÂ’un mort qui ne reviendra pas, prisonnier de la linéarité du temps, couloir à sens uniqueÂ… «Je pense à cette abstraction décisive quÂ’est le Temps. Je vois le Temps comme le paradoxe dÂ’un Dieu cruel inventé de toutes pièces par les hommes qui, cependant, y croient depuis leur naissance jusquÂ’au jour de leur mort», nous confie le narrateur, conscient lui-même de cet absurde Fatum mais aussi de ses contournements possibles : car la littérature – le roman le montre bien – est autant un instrument du deuil quÂ’un moyen de ressusciter les êtresÂ… «L’écrivain vu comme un intermédiaire, un spirite spirituel, un enlumineur qui fait en sorte que les livres soient les fantômes des écrivains vivants et les écrivains morts, les fantômes des livres». DÂ’où, ici, une lecture parfois pénible car la douleur de la mort est une matière visqueuse qui colle parfois les pages et pousse à fermer le livre. Délétère et éthéré, le récit poussera cependant le lecteur envoûté à poursuivre, en passager dÂ’allers et retours entre deux moments fantômes de la gloire anglaise : les fastes victoriens qui célébrèrent, sous les traits du héros de Barrie, une enfance enfin reconnue comme telle, et la folie venimeuse dÂ’une autre époque juvénile, les années soixante et l’épanouissement inédit des adolescencesÂ… Les Jardins de Kensington renvoient à lÂ’omphalos londonien, ce parc où déambulaient les nourrices conduisant dans leurs landaus luxueux, les chérubins de lÂ’Empire, et où aujourdÂ’hui encore, se croise lÂ’Angleterre et sourit la statue métallique de Peter Pan. CÂ’est un roman qui pleure, gravement, le regard retourné vers ces temps perdus. Un roman adulte en sommeÂ… Bruno Portesi ( Mis en ligne le 05/02/2012 ) |
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