L'actualité du livre
Pocheset Littérature  

Lui
de Patrick Besson
Seuil - Points 2009 /  5 €- 32.75  ffr. / 125 pages
ISBN : 978-2-7578-1619-6
FORMAT : 11cm x 18cm

Première publication en juin 2001 (Albin Michel)

Patrick Besson : la Führer de lire

Vous vivez à Paris, vous travaillez dans la pub, vous votez pour une gauche modérée, votre femme vient de vous quitter, vous perdez le sommeil. Que faire ? Faites comme "Lui" : courrez chez une hypnotiseuse, qui va donner un nom à vos chimères et vous réconcilier avec votre oreiller.

Pourtant, quand "Lui" se réveille, la praticienne fait une drôle de bobine. Elle "Lui" tend juste un enregistrement de ses délires hypnotiques et le renvoie dans ses foyers.

Lorsqu’il écoute la cassette, il entend un discours en allemand, langue qu’il ne parle pas. Mais c’est pourtant bien "Lui". Il suffira du coup de pouce d’une étudiante teutonne, pour que ce gentil petit parisien comprenne qu’il est la réincarnation… d’Adolf Hitler !

Commence alors un "road-book", une "hitleriade", un "thritler" selon les mots de l’auteur, où le personnage se lance dans un pèlerinage nostalgique et drolatique sur les grands lieux de sa vie antérieure…

Badaboum ! Pour ce roman roman écrit à la fin des années 90 (première publication en 2001), Patrick Besson ne s’est pas mouché du pied gauche. Il tire directement dans le tas, là où ça dérange, là où ça démange, là où ça fait mal ; et le résultat est pour le moins surprenant. Car cet autoportrait d’Hitler avec les mots d’aujourd’hui, les tics d’aujourd’hui, l’humour et les angoisses d’aujourd’hui, nous brosse un personnage d’une troublante humanité, jusque dans ses délires les plus atroces.

Oscillant entre la farce inquiète et l’introspection burlesque, Besson danse sur le fil d’un rasoir abominablement tranchant ; mais jamais il ne tombe, et c’est bien la preuve qu’il est un grand écrivain.

Tomber, il y avait pourtant de quoi : avec les extases coprophages du tyran, ses réflexions instinctives, ses éclats de rires narquois, ou ses rapprochements idéologiques. Bien que les deux textes n’aient rien à voir, on songe souvent au Transport de A.H. de George Steiner, pour la rigueur clinique avec laquelle les deux auteurs ont imaginé un Hitler "après coup". C’est la radiographie d’un mal, du Mal, jusque dans ses retranchements les plus insondables.

Mais surtout, hors le fond historique - d’ailleurs très fouillé, ce qui nous vaut quelques longueurs au centre du récit -, c’est un livre terriblement drôle. Monstrueusement amusant ! Durant toute la lecture, on se gondole de rire et d’effroi, car cette parabole est tellement extravagante qu’elle en devient plausible. On y croit, à cet Hitler moderne, on est effaré devant la conduite du récit et on se dit "non, c’est pas vrai, il n’a pas osé !"

Et si ! Besson ose, Besson nargue, Besson ricane.

Ce roman est un des textes les plus réjouissants et iconoclastes qui vous soient donné de lire depuis longtemps ; une épopée cinglante et rigolarde, comme si Les Copains de Jules Romains faisaient un crochet par Berchtesgaden ou si Le Club des cinq crapahutait à Nuremberg. Le tout dans un style concis, dépouillé, cynique, et, parfois, d’une touchante… tendresse.

Nicolas d'Estienne d'Orves
( Mis en ligne le 21/12/2009 )
Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024



www.parutions.com

(fermer cette fenêtre)