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Pocheset Littérature  

Ma vie dans la CIA
de Harry Mathews
Gallimard - Folio 2007 /  7.20 €- 47.16  ffr. / 313 pages
ISBN : 11,0cm x 17,5cm
FORMAT : 11x18 cm

Traduit par l'auteur.

Première publication française en février 2005 (POL).


Jubilatoire !

Amateurs d’ambiance policière désabusée, d’expérimentation littéraire, de bizarrerie sémantique et d’inquiétante étrangeté romancée, ruez-vous sur Ma vie dans la CIA. Avec ses airs à la Sean Connery et son regard coquin, l’américain Harry Mathews, Français d’adoption, est une figure iconoclaste de la vie littéraire parisienne des années 70. Romancier, poète, séducteur, esthète, rentier, proche de Georges Perec et membre actif de l’Oulipo, Harry Mathews, lors de cette année 1973 qui fait le récit de ce roman, est un écrivain pas vraiment surbooké, un dandy élégant qui partage sa vie entre les femmes, l’art, la grande musique, l’écriture et les cocktails chics. Une sorte d’esthète amusé et amusant, qui regarde passer la vie politique et sociale française avec un œil bienveillant et distancé.

A la suite d’une banale conversation avec l’une de ses maîtresses ccasionnelles, Mathews apprend que la quasi-totalité de ses connaissances est à moitié persuadée qu’il travaille pour la CIA. Il se doutait déjà un peu que son background et sa nationalité alimentaient pas mal de conjectures, mais pas à ce point ! Ni une ni deux, voilà notre homme, amateur de défis et de curiosités en tous genres, qui prend la rumeur au pied de la lettre pour la faire enfler, et s’invente alors une mystérieuse existence d’espion, à mi-chemin entre James Bond et Frank Abagnale Jr. (l’imposteur qui inspira le film de Spielberg Arrête-moi si tu peux). Une fois la brèche ouverte et la manipulation méticuleusement montée, la fausse vie de Mathews le conduira à vivre mille quiproquos, ce qui est l’objet de ce récit amusant en diable. Naviguant entre la Guerre froide, la fin du Vietnam, le putsch de Pinochet, le Watergate, l’engagement communiste, la montée des groupuscules d’extrême-droite, notre faux agent est projeté bien malgré lui au cœur de la vie politique mondiale, entre la France, l’Italie, l’Allemagne et la Russie, se trouvant ainsi mêlé à de sombres complots et à des imbroglios dignes d’un Ambler qui aurait avalé une bonne bouteille de scotch !

Et le lecteur de jubiler en découvrant les situations rocambolesques dans lequel est embarqué l’ami, dont le mensonge grossit et finit par se nourrir lui-même, à la manière d’un gros soufflé. Que Mathews se retrouve enlevé dans un tapis persan au fond d’un camion alors qu’il s’apprête à honorer une des ses nombreuses maîtresses, qu’il entraîne malencontreusement Perec à sa suite parmi les ultra-droitiers d’Ordre Nouveau, qu’il soit contraint à un exil montagnard à cause d’un contrat mis sur sa tête, l’écrivain ne se départit jamais d’un humour absurde et d’une écriture pince-sans-rire qui font de ce roman un OVNI réjouissant, mêlant malicieusement réel inquiétant et fiction élégante. Avec pour acteurs de fond les mondains de l’époque – Régine, Marie Chaix, Sollers, Perec et bien d’autres – et les préoccupations post soixante-huitardes alors en vogue – les expérimentations dans tous les domaines (sexe, littérature, art), le début de la mondialisation...

Ma vie dans la CIA est également une chronique passionnante de l’année 1973 dans le monde et plus particulièrement en France, vu par un amoureux de l’Hexagone, qui, en amant tendre et passionné, la cerne mieux que personne. Un régal.

Caroline Bee
( Mis en ligne le 02/07/2007 )
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