L'actualité du livre
Pocheset Littérature  

La Tendresse sur la peau
de Edmund White
10/18 - Domaine étranger 2005 /  7 €- 45.85  ffr. / 305 pages
ISBN : 2-264-04197-8
FORMAT : 11x18 cm

Bienvenue dans un monde gay !

La citation est d’Anatole France (Le Lys rouge), qui donne son titre au second recueil des souvenirs d’Edmund White : «La pitié est dans les entrailles, comme la tendresse est sur la peau.» Nous suivons le narrateur à la fin de son adolescence, puis jeune adulte.

Si le premier tome était celui de la découverte horrifiée de son homosexualité, le second est le récit de sa réconciliation avec une sexualité vécue d’abord comme un péché et une maladie. Idée initiale à surmonter : «Mais j’avais une autre raison pour écrire : le rachat du péché de ma vie que je voulais transformer en la vertu de l’art.» Pour autant, le chemin ne sera pas aisé : «je cuisais dans le jus de ma souffrance». Le narrateur nous invite à le suivre sans épargner les scènes de sexe dans un récit dont la crudité sans complaisance a aussi valeur d’exorcisme.

Le héros découvre dans les campus des années 60 l’homosexualité honteuse, les rencontres furtives dans les toilettes masculines, la peur de la répression. Les parents sont plus absents encore que dans son enfance, et mettent toute leur volonté à refuser ses choix. Dans un premier temps, la quête éperdue de normalité se poursuit, assurée par le personnage du psychiatre, déjà présent dans le tome précédent et plus fou encore. Quête inévitablement vouée à l’échec.

Mais désormais des amitiés se nouent : fragile, celle d’Anna la boulimique ; forte, celle de Maria la femme sculpteur, lesbienne qui vit un parcours parallèle à celui du narrateur. Maria, l’amie fidèle, sans cesse perdue, toujours retrouvée ; les rêves ténus et illusoires de mariage, d’ancrage familial…

Les amitiés masculines aussi, celle de Lou surtout qui préfigure dans la provocation et le chaos, l’acceptation d’un ordre autre que celui du puritanisme ambiant. Amérique des années 60 lue comme une marmite proche de l’explosion. C’est New York, la grand ville, qui va être le lieu de toutes les révélations : Greenwich Village accueillant, la drague le long de l’Hudson, un premier amour déçu, la joie des fêtes débridées, amours et amitiés masculines qui s’entremêlent de façon inextricable, une culture qui s’invente, la culture gay new-yorkaise. Culture fermée sur elle même, indifférente au reste du monde, assoiffée de plaisirs immédiats ; Edmund White décrit cette frénésie à la fois comme une libération nécessaire, une expiation aussi d’une certaine façon.

Ce second volume est l’histoire de conquêtes successives : conquête de la ville, ré-appropriation d’un corps retrouvé entre régime et gymnase, apprentissage de la liberté, découverte de l’estime que lui porte sa sœur. Conquêtes inscrites dans une histoire collective : celle de la société américaine des années 60, qui étouffe dans le corset rigide du puritanisme ambiant et est prête à toutes les révolutions. Mais de celles-ci, le lecteur ne saura rien, sauf la découverte par le narrateur et ses amis que l’homosexualité n’est ni un péché ni une tare, mais un choix possible : exit la condamnation de Sodome, un univers gay s’ouvre… On le découvrira dans le livre suivant, La Symphonie des adieux.

Marie-Paule Caire
( Mis en ligne le 22/07/2005 )
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