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Pocheset Littérature  

Le Danseur de Manhattan
de Andrew Holleran
10/18 - Domaine étranger 2005 /  7.80 €- 51.09  ffr. / 286 pages
ISBN : 2-264-03938-8
FORMAT : 11x18 cm

Mort et désir, mort et désir

Crus et raffinés, comme on imagine ; romantiques incandescents traînant des existences pornographiques… Les homosexuels dépeints par Andrew Holleran plantèrent pour des décennies, avec d’autres auteurs, l’archétype de la folle extravagante, jouant et jouissant sa vie comme on joue à la roulette russe : pour le flash d’un baiser de mort et l’abandon aux paradis artificiels, suicidaires de naissance mais avec panache.

C’est une Atlantide qui émerge ici. Fin des années 70, avant que ne frappe la maladie "honteuse". New-York est cette Babel regorgeant d’amants désinvoltes, excessifs, violemment fragiles, traînant leur malaise d’une boite à l’autre, peut-être conscients avant l’heure qu’il faut saisir l’Instant au mépris du reste : passé, histoire, famille, avenir. Ils vivent la seconde t comme si tout s’y concentrait en un nectar d’une pureté parfaite, fait de danse, de musique, de drogue et surtout, de sexe, de sexe, de sexe… «Pendant ce temps, tout le monde se transformait en derviches tourneurs qui tourbillonnaient […], l’air empestait les poppers, et nous dansions pieds nus sur les ampoules écrasées, comme ces dames en escarpins d’argent qui foulaient autrefois les pétales de rose dans les thés dansants. C’était là qu’échouaient les amants, yeux creux et visage morne, après une rupture, là qu’ils se désiraient, se cherchaient du regard au-dessus de la foule, désolés et romantiques.» (p.40)

Deux personnages symbolisent cette extravagance urbaine : Malone, le jeune homme de bonne famille, refoulant son homosexualité jusqu’à ce que la digue ne lâche, et Sutherland, le Pygmalion démesuré, reine de la faune locale, drag à la beauté chatoyante d’un phénix… Deux bohèmes dominant cette société autre, prostitués, malades d’amour, noyant leurs idéaux dans la lumière, le bruit, les hallucinations…

C’est un été indien qui est ici évoqué, sous la forme d’un roman/mémoire qu’aurait écrit l’un de ces hommes dans les années 80. La plume est fidèle à l’intention : dire joliment et, à la fois, sans fard, ce que furent ces années de fête, dans un New-York pour nous, aujourd’hui, étrange… «En conséquence, (a) les gens sont prêts à dégueuler sur une histoire d’hommes qui se sucent la bite (pour ne pas parler du reste !), et (b), ils voudront que cette histoire soit au bout du compte violente et/ou tragique.» (p.16). Elle l’est ; car la fête finit à un moment ou un autre.

Bruno Portesi
( Mis en ligne le 04/11/2005 )
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