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Pocheset Littérature  

Prières exaucées
de Truman Capote
Le Livre de Poche 2009 /  6 €- 39.3  ffr. / 249 pages
ISBN : 978-2253051244
FORMAT : 11cmx18cm

Première publication française en septembre 2006 (Grasset).

Au bal des monstres

Mort à soixante ans (1924-1984), Truman Capote avait fait des débuts remarqués dans le monde des écrivains américains avec Petit déjeuner chez Tiffany (1958), texte assez largement autobiographique. Toutefois, il est surtout connu comme l’homme d’un livre : De sang froid (1966), résultat de son enquête sur l’assassinat d’une famille du Kansas par deux meurtriers (Hickock et Perry) que Truman Capote interviewe, et qu’il suit jusqu'à leur exécution.

Il renouvelle ainsi l’écriture du romancier intimement lié au journaliste et ouvre une voie qui sera largement réempruntée par la suite. Ce long travail auquel il consacre six ans l’a en quelque sorte épuisé, en même temps qu’il lui offrait une immense célébrité. Il ne cesse d’évoquer le roman qu’il souhaite écrire et qui serait son grand œuvre, intitulé Prières exaucées (d’une phrase de Thérèse d’Avila : «On verse plus de larmes pour des prières exaucées que pour des prières non exaucées»). Il se veut le chroniqueur aiguisé de la jet set dans laquelle il évolue, un Proust américain… De ce texte sans cesse écrit et réécrit, ont survécu trois chapitres parus en 1986, réédités aujourd'hui et précédés d’une préface de J.M. Fox ; ils sont suivis de lettres inédites de Truman Capote.

Trois courts chapitres, un seul narrateur, P.B. Jones, orphelin pauvre, bisexuel, amoral et sans scrupules, séducteur prêt à tout pour sortir de la misère ; trois textes proches de la nouvelle, esquisses qui se suffisent à elles seules, mais laissent peut-être perplexe sur ce qu’aurait pu être le roman. P.B. Jones met toute son énergie à survivre dans un monde sans pitié, au cœur d’une société internationale de milliardaires entourés de talents divers. Il se prostitue à qui il plaît, pourvu qu’il en tire quelque avantage, espérant par ailleurs exercer son talent littéraire. Le ton est donné d’emblée : «Gosse brillant, beau comme le jour, j’étais le chouchou des bonnes soeurs. Jamais elles ne se rendirent compte du filou que j’étais, ni de ma fourberie, ni de la façon dont je méprisais leur air sinistre, leur senteur d’encens, d’eau de vaisselle, de cierges et de créosote, de sueur liliale». On croise au fil des pages des personnalités diverses : Cocteau, Colette, Sartre et Simone de Beauvoir, Jacqueline Kennedy et sa sœur..., la plupart exécutées en une phrase assassine ; toute une galerie de monstres sacrés et de sacrés monstres, sous leur nom ou cryptés, défile ainsi sous les yeux du lecteur.

Il y a une réelle jubilation de la méchanceté, du trait acéré, mais aussi une volonté quasi mystique de descente aux enfers, dans les abîmes des vices humains et leur variété infinie. Les femmes sont riches, séduisantes et totalement déjantées, leurs compagnons, somme toute moins intéressants ; tous n’ont pour seul but que vivre leurs plaisirs, aller au bout de leurs envies, dans un univers clos qu’ils transportent avec eux d’un bout à l’autre de la planète. Échappent à ce jeu de massacre général la littérature et quelques auteurs admirés (en particulier Colette). Truman Capote aurait voulu être le Proust de sa génération, on pense sans doute davantage en le lisant à Edith Wharton.

Marie-Paule Caire
( Mis en ligne le 02/11/2009 )
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