L'actualité du livre
Pocheset Littérature  

Tu chercheras mon visage
de John Updike
Seuil - Points 2008 /  7 €- 45.85  ffr. / 341 pages
ISBN : 978-2-7578-0806-1
FORMAT : 11,0cm x 18,0cm

Première publication française en septembre 2006 (Seuil).

Traduction de Claude Demanuelli.


Hestia Pop

On entre dans la conversation liant Kathryn et Hope sur la pointe des pieds, pas sûr d’avoir été invité, ni d’avoir le droit d’écouter les deux femmes dans la maison de l’interviewée. Une maison confortable dans le Vermont ; une vieille dame, Hope, peintre célèbre ayant côtoyé des génies picturaux – Pollock, Holloway et d’autres ; une journaliste, jeune, corsetée et glacée par les principes et les peurs de sa génération : deux mondes s’entrechoquent dans l’hiver vermontois…

On craint de ne pouvoir savourer l’échange entre les deux femmes, peu familier des avant-gardes américaines d’un XXe siècle en son mitant. Manhattan, l’après-guerre, les effluves russes et européennes d’un art provocateur, tenté par l’abstraction (les toiles explosives de Pollock, aux titres cosmologiques) et son pendant pendard, l’hyperréalisme pop (aux côtés de Warhol et Rauschenberg, Holloway commis de ces reproductions kitsch et démesurées des standards de la culture de masse).

Et pourtant, le lien se fait et le lecteur s’installe auprès des deux femmes, dans la tiédeur cosy de la bâtisse et des réminiscences de l’égérie pop. Un café, un thé, un sandwich sucré, et le tissage en capharnaüm des souvenirs sur cinquante ans ; les rencontres, les théories et les discussions à bâton rompu dans quelque café, les amours et une licence sexuelle aujourd’hui démodée, semble-t-il, l’alcoolisme des uns, l’homosexualité des autres, et cette femme au milieu, sorte d’Hestia tenant tant bien que mal tous ces électrons libres, électrons fous…

Au fil des heures, Kathryn et Hope s’apprivoisent et s’apprécient. Le point de vue est celui de Hope qui jauge son invitée, parfois durement, cherchant à la décoder : gestes, attitudes, tics et expressions passent sous son scanner impitoyable. Les heures filent, le jour décline et vient la nuit ; 50 ans d’histoire de l’art racontés dans la chair d’une existence. Kathryn repart dans le soir et la neige. Le roman s’éteint comme on éteint une lampe de chevet, d’évidence. Superbe…

Bruno Portesi
( Mis en ligne le 21/03/2008 )
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