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Pocheset Littérature  

Le Chat botté
de Patrick Rambaud
Le Livre de Poche 2008 /  6,50 €- 42.58  ffr. / 309 pages
ISBN : 978-2-253-12116-9
FORMAT : 11,0cm x 18,0cm

Première publication en août 2006 (Grasset).

Des jambes frêles et de trop grandes bottes

Patrick Rambaud, prix Goncourt 1997 pour La Bataille, remonte, pour ainsi dire, le cours de sa bibliographie pour s’intéresser dans ce roman au jeune Bonaparte. Ses trois ouvrages précédents traitaient en effet de la fin de l’Empire.

Le petit général en disgrâce monte à Paris au printemps 1795, «Robespierre est tombé», le chaos s’installe dans un Paris déchiré, la réaction triomphe... Pas bon signe pour une société... dans une capitale affamée, à la «populace» en ébullition. Impatient, trépignant, intriguant, le général attend une affectation qui ne vient pas, rêve de puissance, de «pouvoir sans limite» en relisant inlassablement Plutarque à la lueur d’une faible bougie : «Alexandre était roi à vingt ans et il en avait déjà vingt cinq. Déjà cinq année de gâchées».

Vainqueur à Toulon, destitué par Cambacérès, il doit attendre le bon vouloir d’un Barras pris au piège de l’incompétence pour se retrouver aide de camp et mater, selon une stratégie de provocation qui lui est propre, la rébellion bourgeoise et royaliste à Saint Roch. Barras, reconnaissant, lui offre le poste de «général en second de l’armée de l’intérieur» ; sa vie en est chamboulée, «son premier travail fut d’enrichir sa famille et ses fidèles», puis de trouver femme. Sa nouvelle condition lui fit fuir la Montacier, «comédienne défraîchie, même riche» ; sa conviction de «mariage profitable» le pousse dans les bras de Rose de Beauharnais, «qu’il croyait noble et riche». Avec la bénédiction de Barras, il l’épouse le 9 mars, préférant à ses trois prénoms celui de Joséphine, le moins usé. Désormais, le «généralissime de l’armée d’Italie» promut par Carnot, va signer ses lettres, la première, d’amour, adressée à son épouse, «Bonaparte». Nous connaissons la suite, mais il est passionnant d’en connaître les balbutiements.

Il est fort Rambaud, son Buonaparte en personnage de la comédie italienne est à craquer, timide, frêle, ridicule parfois, emphatique souvent, péremptoire à souhait, galeux affublé d’un aide de camp Junot, sorte de Scapin dévoué. Déambuler ainsi dans un Paris où fêtes ostentatoires animées par les muscadins trashs côtoient misère et épurations pour le moine gores, est de lecture jubilatoire. Rambaud maîtrise une plume trempée dans l’acier de la connaissance avec un incontestable talent de mêler personnages réels et fictifs, et, ce qui ne gâche rien, avec humour, un soupçon de Jarry, un reste de Guitry, un nuage de laid.

De la très belle ouvrage, Monsieur Rambaud, un roman très vivifiant et sans aucune allusion à qui de nos jours serait assez petit, au nom imprononçable, immigré féru d’identité nationale, sécuritaire, autoritaire et à l’ambition dévorante ? Chassez les comparaisons, il n’est à voir dans ce Buonaparte qu’un Napoléon.

Raymonde Roman
( Mis en ligne le 24/09/2008 )
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