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Pocheset Littérature  

Une vraie parisienne
de Gilles Martin-Chauffier
Le Livre de Poche 2007 /  6 €- 39.3  ffr. / 251 pages
ISBN : 978-2-253-12283-8
FORMAT : 11cm x 18cm

Première publication en mars 2007 (Grasset).

Une élégance ironique

Gilles Martin-Chauffier est rédacteur en chef à Paris-Match et l'auteur de plusieurs romans (dont Silence on ment, prix Renaudot des lycéens 2003, et Le Roman de Constantinople, prix Renaudot essai 2005). Il écrit de façon alerte, en journaliste, sait saisir l’instant, le croquis efficace, la caricature appuyée, ou pas.

Autour d’une intrigue légère, la rencontre improbable d’une aristocrate parisienne et d’un rocker américain, le roman se construit comme une série de confidences et monologues des différents personnages : Agnès de Couroye, quadragénaire élégante et cultivée qui vit en guidant de riches étrangers dans Paris. Bruce Fairfield, rockeur américain, cornaqué d’une main de fer par son attachée de presse Coco Danceny. Edouard Breda, rédacteur en chef à Scoop, jumeau de Voici, etc. Tout un monde riche, parisien, plutôt lancé dans les media, animé par les silhouettes en ombres chinoises de stars, défile et se raconte. Un chapitre par voix.

La plume de Martin Chauffier est ironique, rapide, impitoyable dans les descriptions de ce microcosme parisien et de la jet-set, aux clés multiples. Petit frère lointain de Proust, héritier des échotiers mondains, il décrit à merveille un monde volontairement futile qu’il connaît manifestement très bien. Il épingle en entomologiste tous les travers d’une société aisée, parisienne, réduite au cercle étroit des media et des milieux culturels. Il y a, entre autres, une description impitoyable et follement drôle d’un dîner dans le Marais, qui réunit une actrice-romancière, un danseur, un directeur de théâtre à Stains, un couple publicité/télévision (Arte !), une éditrice (chez Gallimard ! chapitre 10). Tout chez Martin-Chauffier est estampillé «classe» ou snob au gré de chacun : les bagages sont de Vuitton, les carnets d’Hermès, le traiteur, Fauchon, etc. On le suit dans Paris, ses bars et ses restaurants chics, jusqu’à Bercy un soir de concert, dans des appartements du XVIe arrondissement, au château de Fontainebleau, aux États-Unis : au bord de l’Atlantique dans une maison de bois directement issue du magazine Côté Ouest, dépaysement assuré dans des limites raisonnables…

On sent que l’auteur s’est beaucoup amusé, et peu pris au sérieux, et qu’il attend du lecteur la même réaction : pari gagné. Une vraie parisienne n’est pas (et ne se veut pas) un grand texte, mais un moment de divertissement très plaisant, où la vacherie intelligemment distillée est élevée à la hauteur d’un art, clin d’œil au XVIIIe siècle des Liaisons dangereuses même si les personnages contemporains n’arrivent pas aux chevilles de Valmont et de Madame de Merteuil. Le texte d'un moraliste qui porte sur une société sans grand repère ni valeur, et pour qui l’argent tient lieu de culture... un regard désabusé.

Marie-Paule Caire
( Mis en ligne le 16/07/2009 )
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