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Pocheset Littérature  

De la beauté
de Zadie Smith
Gallimard - Folio 2009 /  8,60 €- 56.33  ffr. / 591 pages
ISBN : 978-2-07-037956-9
FORMAT : 11,0cm x 18,0cm

Traduction de Philippe Aronson.

Première publication française en septembre 2007 (Gallimard - Du monde entier).


De la famille et de son infrangibilité

L’histoire d’une famille : on dirait une saga si le roman s’étalait sur plusieurs années, car il est en outre volumineux : mais c’est sur quelques mois que Zadie Smith, jeune et renommée romancière anglaise, campe l’intrigue.

Entre l’université de Wellington, non loin de Boston, et Londres, la famille Belsey s’aime et se déchire, molécule instable mais jamais atomisée, dont les différents éléments vont et viennent, s’attirent et se repoussent, soumis à d’étranges forces : la principale sert à tenir l’ensemble ; malgré leurs différences, ces êtres-là s’aiment et poursuivent leur danse. L’histoire d’une smala donc, dans un biotope lui aussi étrange : Howard Belsey est universitaire, éminent spécialiste de Rembrandt sur qui il peine à pondre La biographie ; c’est dans les sentiers du campus et les couloirs de ses bâtiments tout oxoniens que s’entremêlent les intrigues : la sienne tout d’abord, itinéraire d’un quinqua au bord de la crise de nerf, adultérin et veule, ici avec une collègue, Claire, professeur de poésie, là avec une étudiante, Vee, qui plus est la fille de son ennemi juré, le charismatique et non moins réactionnaire Monty Kipps.

Celle de son épouse, plantureuse mamma noire, infirmière peu initiée aux arcanes universitaires, Kiki la généreuse, qui souffre de la trahison d’Howard et s’éprend en toute amitié de la femme de Monty, l’énigmatique Carlene. Celles des enfants Belsey : Jérôme, posé et séduit par le christianisme, au grand dam de son gauchiste de père, par ailleurs un temps amoureux de Vee… ; Levi, le plus jeune, le plus pommé, fan de musique et peu à peu fasciné par les actions d’un groupe de haïtiens contestataires ; Zora enfin, la fille modèle, étudiante zélée toujours prête à faire du bruit. Dans la guerre idéologique entre Howard et Monty, autour des questions de discrimination positive, elle veut jouer sa carte…

550 pages qui se lisent comme on respire, au cours desquelles les personnages s’entrechoquent, s’aiment, apprennent à se comprendre… ou pas. La mort passe avec les saisons, les cours, les conférences. On ne saurait trop dire pourquoi le roman, qui portait en soi les germes de l’ennui (trop long, déjà-vu), captive autant. Sans doute par le style, simple, efficace, sans fioriture ; par la psychologie des personnages, que l’auteur a su peaufiner au point de nous les rendre crédibles, attachants, identifiables ; par la connaissance intime que Zadie Smith semble avoir du milieu universitaire américain, ses règles et ses inerties, ses codes souvent ridicules, ses lenteurs. Pour tout cela en somme.

Bruno Portesi
( Mis en ligne le 27/03/2009 )
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