L'actualité du livre
Pocheset Littérature  

Le Puits des histoires perdues
de Jasper Fforde
10/18 - Domaine étranger 2007 /  8.50 €- 55.68  ffr. / 445 pages
ISBN : 978-2-264-04536-2
FORMAT : 11,0cm x 18,0cm

traduction de Roxane Azimi.

L’amour de l’art

The name is Next, Thursday Next…

Imaginez une Angleterre alternative, où la littérature joue un tel rôle qu’on a créé un service de police (la section 27, les litteratecs) pour faire régner l’ordre dans l’activité littéraire, une Angleterre où des partis pro-shakespeare affrontent les partisans d’une manipulation du grand Will par Bacon, une Angleterre où le surréalisme – à peine sorti du terrorisme artistique – lutte contre l’impressionnisme et le préraphaélisme pour accéder à la reconnaissance publique, une Angleterre séparée du pays de Galle, devenu une république sur le modèle soviétique, une Angleterre qui n’en finit plus avec la guerre de Crimée depuis 150 ans, une Angleterre où l’on pourrait se promener dans les romans et où certaines personnes disposent déjà de cette capacité… Prêt à tailler la bavette avec le chat du Cheschire ? Ou bien détourner Juliette de son Roméo ? C’est l’Angleterre uchronique et décalée de Thursday Next, la plus célèbre des litteratecs, et accessoirement, de Jasper Fforde, auteur somptueusement délirant, dans la grande tradition des Monty Pythons, dont Le Puit des histoires perdues est le nouvel opus.

Et Thursday n’a pas eu la vie facile depuis les deux premiers tomes de ses aventures (lecture recommandée, et même indispensable si l’on veut comprendre un tant soit peu ici le récit) : après avoir déjoué les plans de l’ennemi public n°2 (un professeur de littérature démoniaque), sauvé Jane Eyre, puis son époux enlevé par un trust industriel aux relents fascistes, Goliath, la voilà mutée dans la jurifiction (la police interne de la littérature, composée par des personnages de roman et des individus du monde réel) et exilée dans un roman de troisième ordre, un polar sans envergure, enterré sans espoir de publication au sein du «puits des histoires perdues», le dépotoir de la littérature, où l’on vient chercher des pièces détachées. Il s’agit de survivre et d’échapper à la vengeance de Goliath, de protéger son bébé, et, au cas où, de retrouver la trace de son mari «effacé». Et pendant ce temps, une révolution littéraire se prépare avec la mise en place de l’Ultraword… Et forcément, rien n’est simple dans un monde où les mots sont au pouvoir.

Alors pourquoi lire les aventures de la délicieuse Thursday ? Déjà parce qu’on n’a pas lu plus original, délirant, uchronique, révolutionnaire, alter-littéraire et cohérent à la fois depuis Lewis Carroll. Parce qu’il est bon de savoir que même les personnages littéraires ont le droit de se mettre en grève. Parce que les amateurs de littérature (de toutes les littératures) y trouveront un univers cosy, explorant toutes les possibilités offertes par le roman (jusqu’à des jeux typographiques illustrant les allers et retours entre roman et réalité). Et, imperceptiblement, parce qu’on en sort nettement plus cultivé sur le roman anglais qu’on y était entré. Les romans-polars-fantasy de Jasper Fforde sont inracontables, tant ils pétillent de trouvailles littéraires, d’inventions bizarres, teintés par un humour nonsense éprouvé. Le coup de cœur absolu, pour tous ceux qui ont un jour rêvé de s’introduire dans leur roman favori… et gare aux «vyrus ortaugrafiques».

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 07/03/2008 )
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