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Pocheset Littérature  

Slam
de Nick Hornby
10/18 - Domaine étranger 2009 /  7.90 €- 51.75  ffr. / 304 pages
ISBN : 978-2-264-04888-3
FORMAT : 11,0cm x 18,0cm

Première publication française en mai 2008 (Plon - Feux Croisés).

Traduction de Francis Kerline.


Nick Hornby comme sur des roulettes

On peut être le fils d’une mère célibataire qui vous a eu à seize ans et atteindre sa propre adolescence sans en être traumatisé. Sam nous narre son histoire de grand gosse assez banal avec le sourire aux lèvres : il semble plutôt heureux de vivre, et surtout, de faire du skate. Mais le destin, ou plutôt le slam, la vautre, le gros gadin, guète. Toutefois, aucun dieu antique dans cette banlieue où les préoccupations sont au plus proche du bitume. La seule idole de Sam est Tony Hawk, celui qui règne au firmament du skate. Son icône est un poster au mur de sa chambre, et sa bible, l’autobiographie du plus grand inventeur de tricks qu’un skate-park ait porté. Et c’est ainsi que «TH» rend ses oracles. Il a même des pouvoirs magiques, dont Sam aura bien besoin, puisque le futur s’annonce compliqué.

Contrairement à certains de ses camarades de lycée, Sam est bien placé pour savoir que faire un bébé à quinze ans, ce n’est pas comme s’acheter un nouveau gadget pour frimer. «Une des plus grosses différences, c’est que personne essaie de vous le chourer», preuve que le bébé risque d’être plus encombrant qu’amusant. Néanmoins, quand on commence à faire l’amour avec sa première copine sérieuse, il peut toujours d’arriver quelque chose, qui pourrait faire perdre le sourire à Sam.

C’est le cinquième roman de Nick Hornby, et celui-ci marque une évolution, ou une expérience nouvelle pour l’écrivain. Après avoir sondé les affres de jeunes hommes et donné ses lettres de noblesse à la «lad lit», il s’intéresse à un héros plus jeune encore, explorant le registre de la «teenage lit». Sam partage certains traits avec Marcus, le «gamin» d’About a boy, mais surtout des problématiques avec d’autres personnages de Hornby. Lui aussi est confronté à une anxiété nouvelle, quand la nécessité de l’engagement fait irruption dans son existence facile et doucement hédoniste. Néanmoins, Slam reste dans le ton mesuré du roman pour adolescents, et s’il se dégage un sentimentalisme teenager, pas plus de situations absolument dramatiques que de destinées tragiques.

Même si les problèmes sont lourds à porter pour des jeunes de seize ans, ceux-ci réagissent avec une certaine modération, en comparaison avec d’autres œuvres qui mettent en scène la jeunesse. Sam a beau être un skater, Slam ne sera probablement pas adapté au cinéma par Larry Clark. L’acte de rébellion le plus radical qu’on y trouve consiste à jeter son téléphone portable dans la mer, surtout pour tenter d’y noyer les ennuis avec les textos qui les transmettent.

Au final, Sam nous est sympathique, touchant dans ses tentatives maladroites d’assumer ce qu’il n’a pas vraiment choisi, en essayant de préserver sa nonchalance. Il promène sur le monde qui l’entoure un regard plein de bon sens, où perce même une certaine satire quant à la comédie sociale qui se joue de façon plus hypocrite encore chez les adultes, parents ou enseignants, que chez les ados. «J’avais l’impression de jouer à un jeu dont tout le monde connaissait les règles sauf moi».

L’auteur partage cette tendresse pour son personnage, et se laisse aller avec un plaisir apparent à le faire monologuer sur ce ton nonchalant ou faussement nonchalant. Hornby se fait parfaitement aux codes de la littérature adolescente. L’ouvrage est construit de manière redoutablement efficace, mais certains procédés, notamment les pouvoirs magiques de TH, apparaissent comme de grosses ficelles d’un écrivain quelque peu en roue libre (ou sur une planche à roulettes!). Slam remplit néanmoins son contrat et séduira le public auquel il s’adresse, celui des adolescents et jeunes adultes qui vivent dans ce monde plein de Starbucks et de iPods. De toute manière, les autres ignorent probablement qui est Tony Hawk. Et ça, c’est impardonnable. «La seule excuse pour pas connaître TH, la seule que j’accepterai, c’est que vous vous intéressez pas au skate.»

Marc Lucas
( Mis en ligne le 03/06/2009 )
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