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Pocheset Littérature  

La Route de Tassiga
de Antoine Piazza
Actes Sud - Babel 2010 /  9,50 €- 62.23  ffr. / 408 pages
ISBN : 978-2-7427-8832-3
FORMAT : 11cmx18cm

Première publication en août 2008 (Rouergue)

Au milieu de nulle part

Le jeune instituteur n’a pas hésité très longtemps avant d’accepter le poste à Tassiga, encore rempli de rêves, peuplé d’élèves désireux de connaître le monde alentour, la brousse environnante comme opium à l’imaginaire. D'ailleurs, la compagnie de travaux publics a pensé à tout, les maisons pour loger sa centaine d’employés, un club pour la convivialité, des voitures pour s’approvisionner et même un mobil-home qui servira d’école. Seul maître à bord de son improbable classe à roulettes, il regarde avec amusement les expatriés arrivant avec leurs bagages et bibelots sentant bon leur mère patrie.

Mais l’Afrique est absente dans cette ville de blancs, où le poulet grillé et la purée de pommes de terre viennent embaumer les rues endimanchées. L'Afrique n’est qu’une terre où l’on gagne de l’argent, où l’on construit des routes au dictateur, à grand renfort de billets de banque. Avec arrogance, les femmes se pavanent avec leur «boy» dans des boutiques locales, les hommes se gaussant de leur suffisance. Et on chuchote sur la coiffure de la voisine, on envie le salaire de son voisin, on se moque de la gaucherie de son collègue. Tels des naufragés, ils tentent de survivre, se méfient d’autrui, faisant front aux inévitables rivalités.

Au coeur de cette guerre permanente du pouvoir, Antoine Piazza nous entraîne dans un monde fait de sueurs, de rancœurs et de désillusions. Livre sur le déracinement, chacun de ses personnages tente à sa manière de vivre dans ce no-man’s-land, dénué de toute attache, de tout repère. Mais dans cette société de carton pâte, l’humain se révèle vindicatif et égoïste, telle une bête en cage. Au travers des pages, on sent la chaleur qui accable, l’enfermement entêtant et ce paysage fait de pierre et de sable semble ne jamais finir. La Route de Tassiga ne raconte pas l’Afrique, celle-ci s’infiltre d'emblée dans chaque mot, distillée à l'envie par un Antoine Piazza très inspiré.

Catherine Martinez-Scherrer
( Mis en ligne le 22/01/2010 )
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