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L'Instant où tout a basculé
de Sylvain Augier
J'ai lu 2010 /  6,70 €- 43.89  ffr. / 252 pages
ISBN : 978-2-290-02196-5
FORMAT : 11cmx18cm

Première publication en septembre 2008 (Carnets Nord)

L'auteur du compte rendu : Essayiste, romancier, Jean-Laurent Glémin est titulaire d’un troisième cycle en littérature française. Ayant travaillé notamment sur les sulfureux Maurice Sachs et Henry de Montherlant, il se consacre aujourd’hui à l’écriture de carnets et de romans. Il n’a pas publié entre autres Fou d’Hélène, L’Imprésent, Fleur rouge, Chair Obscure, Continuer le silence.


Tintin Reporter

«Si ta vie t’ennuie, risque là.» - Thierry Sabine


L’instant où tout a basculé, ou plutôt les instants où tout a basculé, entraînent le lecteur sur les terrains pour le moins mouvementés de la vie du journaliste Sylvain Augier (né en 1955). Devant ce genre de confession, la prudence est de mise car bon nombre d’animateurs égocentriques et mégalomanes s’adonnent à l’exercice de leurs mémoires pour dire ô combien ils ont été victimes d’injustices mais qu’en même temps leur vie a été passionnante. Combien nous disent également que la télé est un monde de requins et qu'ils en sont, eux, les derniers résistants ? Donc prudence.

Mais Augier, d’ailleurs animateur plutôt discret et sympathique, va un peu plus loin que les autres. Passées les interrogations classiques sur l’intérêt de dévoiler ses souffrances ou de publier ses mémoires quand on est un simple présentateur TV, le livre prend un envol particulier. Envol, tel est le mot puisque Augier débute son propos sur sa chute en parapente à plusieurs centaines de mètres d’altitude. Une voile qui se cambre et l’engin vrille puis s’écrase de tout son poids sur le sol avec la violence que l’on devine. Les herbes hautes sur lesquelles Augier s’écrase l’ont peut-être sauvé d’une mort imminente. Il n’empêche que le choc est inévitable et l’animateur, dans un second souffle, réussit à se pratiquer les premiers secours. Garrots, poings de compression et mental d’acier vont permettre à son corps disloqué de survivre jusqu’à ce que les secours arrivent. Il est sauvé ; c’est là que tout commence.

L’Instant où tout a basculé est en fait un livre sur la douleur. Douleur des opérations, de la rééducation, puis des conséquences post-traumatiques indéniables. Dépendance à la morphine, dépression nerveuse, angoisses passagères, mensonges éhontés, tout y passe… Augier a voulu montrer l’envers du décor, sans fioriture, et sans concession. En pareil cas, c’est la sincérité qui prime. Et ici, on y croit. Augier a souffert. Mais, et c'est le message qu’il veut à tout prix diffuser, les accidents de la vie peuvent permettre de rebondir. Une leçon de vie comme on dit. Ils doivent vous apprendre que rien n’est acquis et de ce fait vous donnent encore plus de courage pour retrouver une situation plus stable.

S’ensuit une biographie honnête du journaliste autodidacte, casse-cou et sensible. Des expériences de guerre comme au Nicaragua au début des années 80, des rencontres incroyables : Haroun Tazieff avec qui il part explorer un volcan, Sœur Emmanuelle qui lui remonte le moral, Michel Drucker, «le boss» amical et fidèle, et bien d’autres. Mais ce sont les divers accidents qui ponctuent le récit d’une flamme tragique : il est à deux doigts de se noyer lors d’une remontée risquée alors qu’il faisait de la plongée sous marine ou encore lorsqu’il s’apprête à défier le courant d’une mer déchaînée, il risque sa vie au Nicaragua durant la guerre civile, il manque un arrêt cardiaque en se shootant au Sufenta, une substance 80 fois plus puissante que la morphine, il fait cette chute hallucinante en parapente, ou encore il survit à un accident de moto en compagnie de son fils, lui aussi miraculé… Tous ces faits, d’une rare violence, jalonnent sa vie d’aventurier des temps modernes.

Le fil conducteur du livre est cette intarissable douleur au pied qui ne l'a pas lâché après son accident de parapente. Malgré son courage et son mental d'acier, il ne put s’empêcher de consommer à des doses excessives de la morphine puis le fameux Sufenta, afin de pouvoir continuer ses activités de journaliste télé ou de chroniqueur radio. Car le Augier sympathique que la ménagère de plus de 40 ans admire tant est en fait un type qui brûle sa vie par les deux bouts, réussissant peu à les joindre, et surtout un homme qui connaît de forts moments de dépression causés indirectement par les substances qu’il ingurgite et son trop plein d’activités ; sans compter que la dépression a ravagé son grand-père ainsi que son père… Bref le terrain est doublement glissant : géographique et familial, médical et génétique.

A l’instar d’un Philippe de Dieuleveult auquel Augier a rendu en quelque sorte hommage en reprenant le flambeau des émissions de "La Chasse au trésor", la vie du journaliste est mouvementée et en cela le lecteur profane de tous ces voyages et de ces rencontres ne s’ennuie guère. Dans un style épuré et pour le moins sincère, il assiste à une belle expérience, à la fois sportive, physique et spirituelle. Et il verra maintenant Sylvain Augier d’un autre œil, si la télé veut bien le reprendre dans ses filets puisqu’il en a été évincé en 2006.

Jean-Laurent Glémin
( Mis en ligne le 19/02/2010 )
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