L'actualité du livre
Pocheset Histoire  

Himmler - 2 tomes
de Peter Longerich
Perrin - Tempus 2013 /  / 920 pages
ISBN : 978-2-350-87137-0
FORMAT : 15,5cm x 24cm

Traduction de Raymond Clarinard

- - Himmler - Tome 1, 1900 - Septembre 1939, Perrin (Tempus), Mai 2013, 672p., 12 €, ISBN : 978-2-262-04191-5

- Himmler - Tome 2, Septembre 1939 - mai 1945, Perrin (Tempus), Mai 2013, 696p., 11 €, ISBN : 978-2-262-04196-0

L'auteur du compte rendu : Alexis Fourmont a étudié les sciences politiques des deux côtés du Rhin.



Un monstre ordinaire

Dans la biographie qu'il a consacrée à Himmler, l'homme le plus puissant du Reich après le Führer, Peter Longerich se penche avec une grande minutie sur la lente et progressive «éclosion d'un monstre ordinaire». Très dense, l'ouvrage constitue une véritable somme, une considérable mine d'informations sur celui qui fut, naguère, «Reichsführer-SS, chef de la police allemande, commandant en chef de l'armée de réserve de la Wehrmacht et ministre de l'Intérieur du Reich». D'ailleurs, la critique ne s'y est pas trompée, puisqu'outre-Rhin le très sérieux et reconnu Spiegel a cédé à la dithyrambe pour saluer l'œuvre de P. Longerich en considérant qu'«aucun chercheur n'était parvenu à pénétrer si profondément la psychologie d'un SS, a fortiori celle de leur chef».

Né en Allemagne en 1955, l'auteur dirige le Centre de recherche sur l'Holocauste de l'Histoire du XXe siècle à l'université de Londres. Ses travaux sur la République de Weimar et le Troisième Reich font autorité. Il enseigne à la fois en Allemagne, aux États-Unis et en Israël. Autant dire que P. Longerich connait bien son sujet. Dans cette biographie, il s'agit pour lui de dévoiler qui était vraiment Heinrich Himmler. En effet, s'interroge l'historien dès l'exorde, «comment un personnage aussi falot a-t-il pu accéder à un niveau de pouvoir aussi exceptionnel, comment le fils d'une bonne famille de fonctionnaires catholiques bavarois a-t-il pu devenir l'organisateur d'un système génocidaire s'étendant à toute l'Europe» ? La question mérite d'être posée, tant l'homme était porteur de contradictions et donc nimbé d'un certain mystère à tout le moins macabre.

Dès les premières pages de la biographie, Peter Longerich raconte la capture d'Himmler et de ses séides par les Britanniques ainsi que la mort du Nazi. Alors que le capitaine Selvester interrogeait un à un les suspects, civils et militaires, trois prisonniers exigèrent d'être entendus sur-le-champ avec une véhémence singulière. Ils faisaient «un esclandre», ce qui était d'autant plus surprenant que «la plupart des prisonniers veillaient le plus possible à ne pas attirer l'attention». Le Britannique finit par faire entrer dans son bureau trois hommes, dont «un personnage de taille relativement modeste, souffreteux, l'air miteux dans ses vêtements civils». C'était Himmler. L'accompagnaient deux autres hommes, «plus grands, à l'allure ouvertement martiale, portant un mélange d'effets civils et militaires». Après avoir établi leur identité, les Nazis furent fouillés et l'on soupçonna à juste titre Himmler de dissimuler une capsule de cyanure. Alors qu'un médecin tenta de la lui retirer de la bouche, il «détourna violemment la tête, croqua la capsule et s'effondra». C'est ainsi que prit fin l'existence d'un personnage initialement insignifiant et dénué de tout charisme, qui après avoir rêvé d'une carrière militaire entreprit des études d'agronomie.

Durant ses derniers jours, le comportement d'Himmler fut à tout le moins aporétique. «Contrairement à d'autres dignitaires nazis, il ne s'était pas supprimé, mais s'était caché, avec toutefois un tel amateurisme que ses compagnons et lui étaient voués à être capturés tôt ou tard». Puis, après être tombé entre les mains des Alliés, Himmler s'était signalé sans la moindre équivoque. Plutôt que de faire montre des prétendues vertus d'un chef SS, «dont il s'était lui-même fait l'apôtre», et donc d'«avoir le courage de ses actes», Himmler avait préféré fuir : soudainement dédaigneux de ses responsabilités et du courage aryen qu'il vantait tant, il se suicida et «déçut considérablement ses hommes. Si bien que même dans les rangs de ses anciens fidèles la renommée posthume du Reichsführer fut pour l'essentiel négative».

Pour explorer chacune des sombres facettes de la personnalité de l'âme damnée d'Hitler, l'auteur s'est détaché du modèle trop réducteur de la biographie politique. P. Longerich entendait, en effet, s'intéresser à Himmler dans son ensemble. Après avoir étudié avec précision ses carnets et sa correspondance, l'historien a retracé le développement de la personnalité de celui qui devint l'ordonnateur des camps. Pour ce faire, l'ouvrage traite tous les aspects de sa vie - de son enfance à son suicide, en passant par sa psychologie, ses lectures, ses rapports avec les autres. Rien ne prédestinait cet homme des plus ordinaires à devenir le terrible monstre qu'il fut. L'objet de ce remarquable ouvrage est, bel et bien, de percer à jour le mystère de cette si funeste et tragique évolution.

Alexis Fourmont
( Mis en ligne le 07/05/2013 )
Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024
www.parutions.com

(fermer cette fenêtre)