L'actualité du livre
Pocheset Histoire  

Une histoire des musées de France - XVIIIe-XXe siècle
de Dominique Poulot
La Découverte - Poche 2008 /  9 €- 58.95  ffr. / 195 pages
ISBN : 978-2-7071-5642-6
FORMAT : 13x19 cm

Première publication en avril 2005 (La Découverte).

L'auteur du compte rendu : Archiviste-paléographe, docteur de l'université de Paris I-Sorbonne, conservateur en chef du patrimoine, Thierry Sarmant est adjoint au directeur du département des monnaies, médailles et antiques de la Bibliothèque nationale de France. Il a publié Les Demeures du Soleil, Louis XIV, Louvois et la surintendance des Bâtiments du roi (2003), Vauban: l'intelligence du territoire (2006, en collaboration), Les Ministres de la Guerre, 1570-1792 : histoire et dictionnaire biographique (2007, dir.).


Du musée comme représentation

Le titre de ce livre est trompeur ; on n’y traite ni de l’évolution administrative des musées français, ni de leurs bâtiments, ni de leur personnel, ni même de leurs collections. C’est en fait au discours sur les musées, aux idées et aux passions qu’ils suscitent depuis un peu plus de deux siècles que ce recueil d’articles est consacré.

Dominique Poulot voit le musée français comme un enfant de la Révolution, ce qui fait sa spécificité par rapport à ses homologues européens, héritiers des collections et des collectionneurs d’ancien régime. Le musée d’après 1789 s’affirme, contre les anciens cabinets d’amateur, comme une institution à la fois nationale et utilitariste, qui doit à la fois contribuer à former l’esprit public et servir au progrès des arts. Tel est du moins le discours officiel du régime nouveau, qui fait de l’«instruction publique» une de ses priorités.

Depuis la Révolution jusqu’à aujourd’hui, ce discours officiel a été contesté. À l’image du musée révolutionnaire, promoteur des arts, on oppose celle du «musée vandale», fondé sur la destruction des anciennes institutions religieuses, artistiques et savantes. À la prétention du Louvre d'être un musée universel, on objecte que cette universalité est le résultat du pillage des pays conquis, et que le rassemblement ainsi obtenu devient un amas indigeste à force de gigantisme. Destiné à fédérer les Français, le musée peut aussi servir d’instrument à un parti : ainsi, le musée de Versailles, conçu pour légitimer la monarchie de Louis-Philippe.

L’institution muséale suscite donc autant de méfiance que d’engouement. La littérature brocarde volontiers l’entassement des collections et l’ennui des visites dans le musée pompeux légué par le XIXe siècle bourgeois. Le XXe siècle, au contraire, réclame un musée «pour le peuple» (et qui parle du peuple), aéré, pédagogique. Cette «démocratisation de la culture» a ses succès (les millions de visiteurs), ses contestataires, comme un Pierre Bourdieu qui dénonce l’institution comme un témoignage de l’ancien régime culturel, et ses échecs retentissants, tels que la récente fermeture du musée des arts et traditions populaires.

Au terme du parcours, il apparaît que ceux qui écrivent et réfléchissent au sort des musées se soucient assez peu des musées en eux-mêmes. Les collections qu’ils renferment, leur entretien ou leur usage quotidien ne retiennent guère l’attention de ces penseurs. Ce qui est en jeu, c’est bien autre chose : rien moins que le «modèle culturel français», et à travers lui, les rapports entre société et État, un État qui veut éduquer la société et prétend, sous des masques divers, lui dicter ce que sont le vrai, le beau et le bien.

Thierry Sarmant
( Mis en ligne le 29/10/2008 )
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