L'actualité du livre
Pocheset Histoire  

Clemenceau
de Michel Winock
Perrin - Tempus 2011 /  12 €- 78.6  ffr. / 704 pages
ISBN : 978-2-262-03498-6
FORMAT : 11cm x 18cm

Première publication en septembre 2007 (Perrin)

L'auteur du compte rendu : Matthieu Lahaye est professeur agrégé et vient de terminer une thèse consacrée au fils de Louis XIV sous la direction de Joël Cornette.


Républicain de combat

Michel Winock est un grand historien, mais est-il nécessaire de le réécrire ? C’est un grand historien par les qualités littéraires de tous ses ouvrages, par la solidité de ses analyses, mais aussi par l’ambition de nous faire réfléchir sur notre temps. Sa biographie de Georges Clemenceau (2007) qui paraît ces jours-ci en format de poche est en cela remarquable. Comme il l’écrit lui-même dans son avant-propos : «Mon point de vue n’est pas seulement celui d’un historien de la gauche française. J’ai écrit ce livre à un moment où nous n’avons plus foi en nos hommes politiques.» Or, les engagements de George Clemenceau doivent nous réconcilier avec le volontarisme politique. Sa mémoire a pourtant été flétrie par la gauche socialiste qui n’aimait pas ce républicain radical opposé au Grand Soir et respectueux de l’ordre républicain. Comment résumer cette carrière ?. En trois dates sans doute.

1881

Déjà maire du XVIIIe arrondissement lors de la Commune, Georges Clemenceau est élu député de Paris. A la chambre, il prend l’ascendant par ses qualités oratoires qui marqueront sa longue vie parlementaire. Michel Winock en donne un large aperçu en citant abondamment ses discours. Très vite on le surnomme le «tombeur des ministères» car il multiplie les attaques assassines contre les cabinets républicains en place, notamment ceux présidés par Jules Ferry qu’il déteste. Il lui reproche sa complaisance à l’égard des conservateurs, sa tiédeur à appliquer le programme républicain : disparition du Président de la République et du Sénat, séparation de l’Église et de le l’État et préparation de la revanche contre l’Allemagne.

1898

«J’accuse», la manchette est de lui, l’article, de Zola. Héritier des Lumières et fils de la Révolution, il défend Dreyfus. Depuis 1893, affaibli par la calomnie et sa proximité d’un temps avec Boulanger, il perd son siège de député. Il devient alors homme de lettres, éditorialiste surtout grâce au quotidien qu’il fonde : La Justice. Clemenceau n’est pas un optimiste béat sur la nature humaine comme l’est Jaurès, cependant il croit en l’homme et à son émancipation. D’un naturel joyeux, multipliant les bons mots, jusqu’à la fin de sa vie chacune de ses journées commence par une séance de gymnastique. L’homme sait se faire des ennemis. En homme d’honneur, il multiplie les duels. Comme le dira Déroulède aux députés en 1893: «Il est trois choses en lui que vous redoutez : son épée, son pistolet, sa langue.» Il est âgé de soixante-trois ans quand il retrouve en 1902 un siège de sénateur. Il est tour à tour ministre de l’Intérieur, «premier flic de France» selon ses propres mots, et Président du Conseil.

1917

En novembre 1917, vient son heure de gloire. Au plus dur de la Première Guerre mondiale, il est appelé à former un gouvernement «dans l’unique pensée d’une guerre intégrale». Il est partout, sur le front surtout, pour soutenir le moral des troupes. L’hommage le plus vibrant, un peu exagéré sans doute, lui sera rendu par le Kronprinz allemand dans ses Mémoires : «La cause principale de la défaite allemande ? Clemenceau». Au faîte de sa popularité, Clemenceau négocie la paix pieds à pieds pour obtenir de justes réparations, parfois contre l’avis des alliés, soucieux d’éviter une Allemagne trop affaiblie. Il quitte définitivement la politique en janvier 1920.

Au soir de sa carrière, Clemenceau penche pour un pouvoir exécutif plus fort. Cependant, il n’est jamais revenu sur les vertus de la délibération dans l’élaboration de la loi : «Eh bien, puisqu’il faut le dire, ces discussions qui vous étonnent, c’est notre honneur à tous. Elles prouvent surtout notre ardeur à défendre les idées que nous croyons justes et fécondes. Ces discussions ont leurs inconvénients, le silence en a davantage». N’est-ce pas la meilleur leçon que le Tigre pouvait donner à notre régime politique actuel qui fait si peu de cas du débat parlementaire ?...

Matthieu Lahaye
( Mis en ligne le 04/01/2011 )
Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024
www.parutions.com

(fermer cette fenêtre)