L'actualité du livre
Pocheset Policier & suspense  

Les Pâques du commissaire Ricciardi
de Maurizio De Giovanni
Rivages - RIvages Noir 2019 /  8,50 €- 55.68  ffr. / 350 pages
ISBN : 978-2-7436-4733-9
FORMAT : 11,0 cm × 17,0 cm

Odile Rousseau (traduction)

Filles sans joie

La mort d’une prostituée, étouffée dans sa chambre d’un bordel napolitain... qui s’en occuperait ? Passé le parfum de scandale, c’est presque un accident du travail... mais pas aux yeux du commissaire Ricciardi, le héros de Maurizio de Giovanni. Ricciardi et son regard vert qui perçoit les morts, Ricciardi et sa morale de vie à base de souffrance et de sacrifice, Ricciardi et sa quête de justice qu’aucune convention sociale ne stoppe.

Car dans la Naples des années 1930, le poids des regards pèse lourdement : comment enquêter sur les clients d’une prostituée, la Vipera, quand bien même elle était la plus belle de la ville ? Comment aller débusquer l’assassin, entre le notable prospère qui vend de l’art sacré et le paysan industrieux qui nourrit la ville ? A moins que ce ne soit une mère humiliée, un fils inquiet, une prostituée rivale, etc ? Comment échapper aux commérages, aux critiques des bonnes gens peu désireux de voir leurs Pâques troublées par l’enterrement d’une femme de petite vertu ? Et Comment échapper à l’atmosphère pesante du fascisme et de ses séides ? Ricciardi, épaulé par le brigadier Maione et le médecin légiste Modo, enquête, aux frontières de la vie et de la mort, depuis les beaux quartiers jusqu’à la colline du Vomero. Et au passage, c’est toute la vie napolitaine qui se déploie. Mais sans parvenir à cacher le crime...

Maurizio de Giovanni décline, dans une Naples un peu fasciste, le polar historique et ethnographique, avec une plume sympathique et même poétique (et joliment traduite) et une intrigue qui gagne en profondeur. Le charme de cette série réside non seulement dans son héros (ou plutôt le couple formé par Ricciardi et Maione, le mélancolique et le bon vivant) et dans l’espèce de plongée ethnographique dans la vie napolitaine. On apprend quelques recettes locales et pascales, on plonge discrètement dans la vie d’une maison de tolérance et dans les usages de quelques personnalités, tout en suivant les histoires d’amour complexes qui s’entrecroisent autour de Ricciardi, homme inaccessible. Une promenade dans les différents quartiers aiguise la nostalgie du voyageur.

Un petit regret sans doute, l’insuffisante exploitation du contexte historique et du fascisme, qui reste en lisière de l’intrigue, même si l’ambiance, étouffante, doit beaucoup aux chemises noires. Bref, un polar historique sympathique qui, sans atteindre les sommets des polars de Philpp Kerr, se lit avec plaisir.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 28/06/2019 )
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