L'actualité du livre
Bande dessinée  

Cecil et Jordan à New York
de Gabrielle Bell
Delcourt - Outsider 2010 /  17.50 €- 114.63  ffr. / 152 pages
ISBN : 978-2-7560-2068-6
FORMAT : 17,8x22,9 cm

Amère américaine

Delcourt reprend ici un recueil d’histoires courtes signées Gabrielle Bell et publiées en mars 2009 chez Drawn and Quarterly. On a pu entendre parler de ce livre puisque l’histoire éponyme qui ouvre l’album a été génialement adaptée au cinéma par Michel Gondry pour le film à sketchs Tokyo !.

C’est d’ailleurs l’histoire la plus réussie – tant narrativement que graphiquement – et il est vrai que commencer l’album par ce récit original et marquant place la barre assez haut, le reste peinant quelque peu à se hisser au même niveau. Il y a là une belle idée de bande dessinée où la fable commence sur le ton de la banale autobiographie pour progresser vers une trame de douce poésie mélancolique avant de s’achever en suspens, pudiquement. Le tout porté par des couleurs naïves et froides, faisant ressembler les personnages à des petites poupées de chiffons, des marionnettes ballottées par les éléments. Gabrielle Bell fait de ses planches un petit théâtre ou s’ébattent ces silhouettes molles et tristes, l’histoire évoquant une parabole moderne sur l’aliénation et la difficulté à trouver sa place dans un monde rigide.

Voilà pour le premier récit. On passera rapidement sur « Mon problème » qui prouve – une fois de plus – que l’improvisation et le surréalisme en bande dessinée, comme ailleurs, n’ont de sens et de pertinence que dans les mains de quelques rares experts. Malgré quelques surprenants moments (le chien devenu rat, image frappante car parfaitement amenée par une narration maîtrisée), cette histoire rate le coche.

« Frappe moi » est l’autre réussite de ce recueil. Gabrielle Bell y évoque des souvenirs de jeunesse. Servi par un découpage précis, une mise en scène légère mais carrée et des morceaux de vie qui parlent à chacun (la dure condition d’adolescent, l’école comme champ de bataille…), cette chronique amère touche en plein cœur.

« Félix » est une autre belle histoire. Une étudiante des Beaux Arts enseigne le dessin au jeune fils d’un grand artiste. La rencontre est réussie et Gabrielle Bell parvient sans problème à manier les sentiments et les émotions de ses personnages sans en faire trop ni jamais se disperser.

Le reste coule de source et l’on pense souvent à Adrian Tomine. Même envie de parler des gens et de leur petite détresse anodine. Même mélancolie ambiante, mêmes espaces urbains déshumanisés et mêmes fausses chutes laissant toujours les personnages aussi seuls au début qu’à la fin, le récit n’ayant jamais fait évoluer grand chose si ce n’est une peine un peu plus marquée.

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 15/03/2010 )
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