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Emmanuel Guibert japonais
de Emmanuel Guibert
Futuropolis 2008 /  46 €- 301.3  ffr. / 320 pages
ISBN : 978-2-7548-0237-6
FORMAT : 23,5x22 cm

Le Pavé de Tokyo

Emmanuel Guibert est japonais. C’est écrit sur le livre, c’est démontré à chaque page. Il dessine japonais, écrit japonais, pense japonais. Lui qui, dans ses bandes dessinées, s’était mis dans les pas d’Alan (La Guerre d’Alan) ou de Didier Lefèvre (Le Photographe), suit aujourd’hui les chemins de quelques voix nippones qui le guident. Auteur caméléon, artiste aux nombreux visages et multiples avatars, il affirme ici une nouvelle fois son immense talent, son don pour les mots et les images, pour les univers marqués, les impressions, les sensations.

Emmanuel Guibert est japonais, ou en tout cas il nous le fait croire tout au long de ces 320 belles pages. Plutôt que de passer pour le bête touriste perdu et agrippé à son carnet de croquis, Guibert a choisi de ne pas être dépaysé, de connaître ce pays comme s’il y était né, comme s’il y avait vécu.

C’est donc une suite de nouvelles, de courts textes, de dessins et de peintures que nous propose Guibert dans cet imposant ouvrage. Les techniques sont nombreuses : peinture sur bois, sur tissu, sur papier, crayons, encres, collages, taches colorées… tout est bon, tout est utilisable. Un regard distrait survolant ce livre penserait sans doute même qu’il s’agit là d’un collectif. Mais un seul Guibert est derrière. Artiste attiré par la nature, les gens et les objets, le dessinateur pose son regard sur tout ce qui l’entoure, puisant ses sujets dans le réel avant de les transfigurer sur le papier, laissant exploser les couleurs ou au contraire, traquant les ombres. L’ensemble ne se résume plus à un simple recueil de croquis ou d’ébauches avortées, mais à une suite de dessins où la technique qui se peaufine rivalise avec l’importance du sujet. L'inspiration est parfois japonisante mais pas seulement, Guibert ne s'arrête pas à ces frontières stylistiques. Chaque nouveau dessin est ainsi l’occasion d’expérimenter, de chercher une nouvelle manière d’exprimer un mouvement, une sensation, un caractère. Guibert ne semble pas être le genre d’artiste à se reposer sur ses acquis, comme toujours en quête d’autre chose, repousser le dessin dans ses derniers retranchements, soit dans l’épure, soit dans l’excès, mais toujours avec une sensibilité prégnante.

Dans ses nouvelles, Guibert montre une nouvelle facette de son talent de conteur. Cette fois, sans images, il nous plonge dans des petits textes joliment écrits, sensibles et beaux, à l’inspiration originale et singulière. On retiendra l’attachant récit « La tombe de Jésus », petite farce-fable autour de représentants de commerce, ou « L’atelier Rossignol» et sa représentation nostalgique mélancolique d’un groupe d’artistes. Dans ces lignes, Guibert réussi son pari fou ; il n’est plus l’occidental observateur, il est le narrateur d’un pays, un parfait connaisseur de ces gens et régions, un expert en traditions et petites choses du quotidien, un autochtone. Et nous suivons ce guide avec de grands yeux, passionnés par ce qu’il nous chante et nous montre.

Certes le résultat est quelque peu onéreux, mais la qualité est ici partout, de la belle mise en page (travail de Frédéric Lemercier, déjà complice de Guibert sur Le Photographe), à l’impeccable impression. Un très beau livre, et plus encore, un voyage.

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 27/01/2009 )
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