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Le Petit Homme - Histoires courtes 1980-1995
de Chester Brown
Delcourt - Outsider 2009 /  14.95 €- 97.92  ffr. / 192 pages
ISBN : 978-2-7560-1661-0
FORMAT : 15x22,8 cm

Mémoires courtes

Le Petit Homme rassemble 27 histoires de « jeunesse » écrites et dessinées par Chester Brown entre ses 19 et 35 ans. L’auteur a lui-même réalisé la sélection des récits dévoilés ici, et le tout est présenté de façon chronologique. Si, en France, on connaît Chester Brown pour Louis Riel ou Le Playboy, (et Delcourt nous promet pour bientôt une édition d’Ed The Happy Clown), on va découvrir ici d’autres facettes de l’auteur canadien.
L’intérêt est surtout de voir, dans les premières pages, le style graphique et narratif de Brown qui se met peu à peu en place. On part ainsi d’une grosse farce potache (« La révolte du papier toilette »), pour finalement arriver à des histoires autobiographiques dans la droite lignée des travaux des acolytes de toujours, Joe Matt et Seth, et des longues œuvres que sont Le Playboy ou Je ne t’ai jamais aimé.
Entre autres, on retiendra l’histoire qui donne son titre à l’ouvrage : commençant comme un souvenir de jeunesse, le récit se mue en délire grotesque complètement déjanté, une épopée touche-pipi-rigolotte et cartoonesque. On appréciera aussi les histoires de Bunny et Gerbil, farces noires empruntant aux histoires pour enfants ses mignonnes figures animalières. Les deux plus longs récits se font résonance: il y a « Helder », une histoire autobiographique autour d’un ancien colocataire de Brown et « Helder - Le making-of » qui revient sur la genèse et l’élaboration de ce récit. Mise en abyme, écho dans l’ego, on est là à un bout du bout de l’autobiographie en bande dessinée. Le résultat est intéressant, dévoilant la fiction derrière le souvenir et la manière de raconter et d’agencer le réel pour qu’il « devienne » narratif.

Graphiquement, Brown s’essaie à diverses techniques de noir et blanc, tente des choses, expérimente ligne claire, taches, hachures, minimalisme et réalisme, composition éclatée ou gaufrier plus classique. L’artiste se cherche et peaufine sa patte. L’avalanche de notes en fin d’ouvrage où Brown explique ses recettes et revient sur ses sources d’inspiration permet au lecteur de resituer chaque récit. Ces commentaires font beaucoup dans l’intérêt du livre, lui donnant un attrait historico-esthétique bienvenu.
Car si le livre se lit sans déplaisir — le côté court des récits (de une à 34 planches) y est pour beaucoup — l’ensemble est relativement inégal. Le petit côté fanzine amateur (la plupart des récits ont été publiés dans Yummy Fur, journal autoédité par Brown) reste toutefois assez réjouissant, et la multiplicité des styles approchés pourrait presque donner l’impression d’un collectif réalisé dans la joie et la bonne humeur par un groupe de jeunes dessinateurs passionnés.

À l’image du reste du travail de Brown (quoi de commun entre Louis Riel et Je ne t’ai jamais aimé ?), voilà donc un ouvrage multiple. Tour à tour drôle, ésotérique, idiot, sensible ou totalement autre, Le Petit Homme donne à voir la richesse d’un auteur discret, et surtout donne envie d’en voir plus.

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 31/03/2009 )
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