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L’ours
de Vincent Sorel
Actes Sud - l'An 2 2010 /  17 €- 111.35  ffr. / 120 pages
ISBN : 978-2-7427-8719-7
FORMAT : 16,5x22,5 cm

L’habit fait l’homme

Barnabé le bûcheron part un matin dans la forêt lorsqu’il se fait violemment attaquer par un ours. L’animal s’empare des vêtements du malheureux et… de son visage ! Voilà l’ours devenu Barnabé, et se rendant dans le village pour y mener, pour un temps et l’air de rien, la vie d’homme. Derrière ce récit échappé d’un conte, Vincent Sorel réalise une histoire à la fois naïve et violente, linéaire et retorse.
L’arrivée de Barnabé-Ours passe d’abord inaperçu : c’est juste le bûcheron qui est de retour, et le village continue de vivre avec ses secrets et ses failles. Ici, comme partout, les rancœurs sont tenaces, les tensions vives et les confidences discrètes. Dans son habit noir, le curé n’est pas tout blanc, le maire semble être un gentil hypocrite, et surtout les querelles sont nombreuses, profondes et trouvent racine dans des blessures jamais cicatrisées.

Au milieu de ce pétrin, l’ours va faire sa vie, sans un mot, avec sa silhouette aussi imposante que pataude, toujours raide comme un gros piquet. Son péché mignon, les femmes : le village devient vite un harem et Barnabé-Ours fait une sacrée réputation à Barnabé-Homme.
L’animal dans cette foire s’avère vite être un révélateur, un agent explosif qui d’un coup de patte peut tout faire exploser. Ce qui est surtout frappant c’est que personne ne se rende compte de la supercherie, comme si, l’habit faisant l’homme, l’ours pouvait tout à fait trouver sa place dans ce microcosme. Individuellement, passe encore pour déceler chez chacun une certaine humanité, mais lorsque la foule s’y met (d’un côté les femmes qui passent toutes sous les pattes de l’animal, et de l’autre les hommes qui se chamaillent, s’emportent et se battent), l’humanité perd tous ses galons et tous ressemblent à des bêtes. Seul un jeune couple d’amoureux innocents passe à travers les mailles de cette folie qui va vite dégénérer. Eux seuls ne s’attaqueront pas à la peau de l’ours, coupable tout trouvé aux vices qui rongent le village.

Avec un dessin simple et efficace, et sans chercher à révolutionner quoique ce soit, Vincent Sorel déroule son récit avec une belle maîtrise, sachant très bien où il va et laissant poindre une certaine poésie cruelle et piquante dans cette fable moderne et attachante.

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 19/01/2010 )
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