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Le Sourire de Mao
de Jean-Luc Cornette et Michel Constant
Futuropolis 2013 /  16 €- 104.8  ffr. / 72 pages
ISBN : 978-2-7548-0602-2
FORMAT : 21,5x20 cm

Sécession

La Belgique a explosé : ce symbole de la paix, et de la neutralité en Europe, voulu comme le résultat d’un équilibre entre les puissances du XIXe siècle, a finalement vécu. Bienvenue en république démocratique wallonne, un micro Etat, mené par le « président-capitaine » Delcominette, version moderne – costume et discours de cadre dynamique – du dictateur. Cette petite république a pourtant des besoins de reconnaissance, de légitimité, qui passent par l’érection d’un musée de la culture, ainsi que par des politiques moins avouables. Car dans ce futur pas très rose, le président-capitaine se cherche un modèle – pourquoi pas Mao, bien oublié – et un ennemi intime (dans la bonne tradition dictatoriale), le « terroriste ». Et le terroriste, c’est justement ce que les autorités traquent : ce pourrait être Franck, un opposant maussade au capitaine-président , ou Antoine, un jeune garçon tout autant critique. Du côté des convaincus – « les fauves de Hesbaye », ces scouts présidentiels – on est prêt à tout pour soutenir le mouvement présidentiel… jusqu’à entrer dans des combines douteuses.

Ca commence comme une anticipation, rapidement grinçante : l’enthousiasme des jeunes scouts, Ludmila et Manon, et leur ignorance du Maoïsme fait sourire, puis inquiète, quand on voit qu’elle est largement partagée par la population. Le tableau de cette dictature soft, aux abords impeccables, mais qui manipule et divise pour régner, est assez efficace. Certes, le lecteur français se doute qu’il y a dans cet album des références, des clins d’œil à la situation belge, qui lui échappent. Mais la mécanique du thriller fonctionne, et la manipulation orchestrée par cette république à la fois ignare et complotiste est, dans sa simplicité, très efficace. Au pinceau, Michel Constant, bien inspiré, livre une république wallonne très actuelle : l’anticipation revendiquée n’est pas visuelle, mais culturelle, dans les discours, les attitudes, la situation. On regrettera toutefois le manque d’audace du scénariste, Jean-Luc Cornette qui n’a finalement guère exploité ce thème, pourtant porteur, des restes du président Mao – lequel inspire pourtant le titre. Une timidité qui nuit à l’album, et l’on ressort de cette lecture en se disant qu’il y avait là un décor formidable – une république wallonne proto-fasciste – et une intrigue délirante – l’exportation de la momie de Mao – et que tout cela a été finalement délaissé pour une histoire banale de manipulation policière, même si elle est remarquablement mise en image. Un essai qui reste à transformer.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 03/06/2013 )
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