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Derniers tests avant l’apocalypse
de Tom Kaczynski
Delcourt - Outsider 2013 /  19.99 €- 130.93  ffr. / 136 pages
ISBN : 978-2-7560-4133-9
FORMAT : 19x26,7 cm

Comme un malaise

Une vie passée à aller, en voiture, d’un lieu à un autre, d’une tâche à une autre, au sein d’une métropole gigantesque qui n’est là que pour vous exploiter, vous manipuler. L’impression d’être un martien, de faire des rêves de martien, et d’être échoué sur terre, condamné à l’étrangeté. Habiter dans un quartier peu à peu digéré par un immeuble moderne qui – doucement – gomme le reste des habitants à moins qu’il ne les rende fous. Autant de sensations bizarres, pénibles, explorées par Tom Kaczynski dans un album qui cherche clairement à provoquer, interpeller et secouer son lecteur. Le thème, c’est la vie moderne, la merveilleuse vie de consommateur, habitant d’une métropole, conscient de sa modernité et de son degré supérieur de civilisation. Et cette vie moderne, l’auteur l’observe, la scrute à travers quelques détails, presque à la marge : l’envahissement progressif des bruits jusqu’à saturation, la mode bio jusqu’à devenir, plus encore qu’un dogme, une contre-religion exploitée par une quelconque start-up, le charme du retour à la nature, à l’état sauvage, au monde primitif, celui des cavernes, ou encore les enjeux sacrés de l’urbanisme. Et dans chaque histoire, une pincée de libéralisme, de moralisme, de belle idéologie, pour donner un peu de profondeur à cette société qui se désagrège.

A coup sûr voilà un album qui fait réagir, qui peut laisser mal à l’aise, mais qui interpelle et d’une certaine manière, séduit. Comme dans les bandes dessinées de Charles Burns, le réel est loin, il est travesti, parodié, victime d’un humour qui confine au cynisme. Tom Kaczynski ne fait pas de la bande dessinée pour se détendre, il ne flirte pas avec le roman graphique et ses ambitions littéraires, il s’amuse juste à jeter, à la tête du lecteur, quelques vérités sur notre société, une manière de montrer non pas l’envers du décor, mais juste la réalité sous un autre angle. L’image même peut déstabiliser : le graphisme s’inspire du mouvement underground, dont il reprend les codes, les styles, les motifs ainsi que les thèmes. Chaque planche, bicolore, place, dans des décors très figés, des personnages plus ou moins réalistes, aux traits soit épurés, soit marqués, dans une ambiance comics des années cinquante. Si vous êtes sensibles à un mélange de surréalisme et de graphisme vintage, éclairé par un discours militant sur les excès de l’humanité, alors Derniers tests avant l’apocalypse est l’album qui pourra enfin vous parler, et vous donner l’impression de ne pas être seul dans une librairie. Un album étonnant, peut être un piège selon son postfacier, en tous les cas, un exercice brutal de lucidité sur le mode fantasque. A découvrir.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 08/10/2013 )
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