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Little P. in Echoesland
de François Olislaeger et Pauline Fondevila
Denoël - Graphic 2005 /  15 €- 98.25  ffr. / 48 pages
ISBN : 2-207-25725-8
FORMAT : 23 x 31 cm

Bouillon de culture

Pauline Fondevila est artiste plasticienne et utilise le dessin comme principal élément de son travail. Sa rencontre avec le dessinateur François Olislaeger va être le point de départ de ce drôle d’album, atypique et ludique, un voyage mouvementé dans un royaume de conte de fées moderne où pullulent les références et citations aux icônes culturelles contemporaines.

Le titre et le principe de l’album font immédiatement référence à Little Nemo in Slumberland, dont on fête cette année le centenaire de sa création par Winsor McCay. Ici, Little P. (pour Pauline ?) a remplacé le petit garçon rêveur, et chaque planche est pour l’héroïne une nouvelle rêverie qui se termine toujours de la même façon, par la même case connaissant quelque variante minime : la jeune femme devant son ordinateur, perdue dans ses pensées et ne parvenant pas à se concentrer sur son travail. Et après ce dénouement rituel, la rêverie continue à la planche suivante, là où elle s’était brutalement arrêtée, permettant à P. et ses lecteurs de suivre son parcours à Echoesland. Un parcours surtout amoureux d’ailleurs, puisque P. va vite rencontrer un autre P. (pour Prince Charmant ?). Tout au long de l’album, les deux jeunes gens vont alors jouer au chat et à la souris, se perdre et se retrouver, et exécuter ainsi un charmant mais mouvementé ballet de séduction. C’est que Echoesland n’est pas un endroit de tout repos. Il s’y passe toujours quelque chose et la fantaisie y règne en maître.

Cet onirisme, loin d’être abstrait ou peuplé de signes confus à interpréter, est entièrement référentiel. Echoesland, ou le pays de la mémoire. C’est toute une série de citations culturelles du vingtième siècle qui défilent ainsi à chaque planche, presque à chaque vignette. On pourrait voir dans ce flot de réminiscences culturelles les influences de P. avant de se mettre à son propre travail de création ; comme si, à flâner ainsi dans son musée intérieur, elle convoquait ses maîtres afin d’être solidement épaulée dans son activité personnelle.

Cela commence par du Godard (maintes fois sollicité, mais n’est-il pas l’un des premiers à jouer de cet art du collage et des confrontations entre les œuvres, entre les arts ?), pour finir, drôle de translation, sur du Sofia Coppola. Entre les deux, c’est au lecteur de jouer en faisant appel à son sens de l’observation et ses propres connaissances ; et de repérer ici du Jacques Demy, là Art Spiegelman et Alfred Jarry ou encore ailleurs un air de Nirvana. L’ensemble ressemble à un drôle de collage, patchwork titillant la mémoire du lecteur, jouant des contrastes et des rapprochements audacieux. Une fausse table des matières centrale permettant de mettre un nom sur une image ou même de découvrir le travail d’un artiste qui nous était encore inconnu.

Ce zapping effréné est mené avec maîtrise par Olislaeger. Son trait naïf mais foisonnant de détails, allié à une palette de couleurs lumineuses, lui permet de dérouler ses strips avec dynamisme et naturel. L’ensemble se lit d’une traite par le lecteur emporté de case en case dans ce tourbillon ininterrompu, comme un jeu de pistes dont on serait pressé de connaître la destination finale. Un bel hommage au plaisir de lire, de voir, d’écouter, et finalement se perdre dans son Echoesland personnel.

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 26/06/2005 )
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