L'actualité du livre
Bande dessinéeet Autre  

Charge
de Baladi et Ghostape
La Cafetière éditions - Morceau 2006 /  26 €- 170.3  ffr. / 48 pages
ISBN : 2-84774-007-4
FORMAT : 18 x 18 cm

1 CD audio (37 minutes)


Correspondances

La nouvelle collection « morceau » des éditions de La Cafetière propose de coupler bande dessinée et musique. Ce premier opus conjugue ainsi les talents du dessinateur Baladi et du compositeur Ghostape. Les deux artistes ont travaillé en complète symbiose, le travail de l’un inspirant celui de l’autre puis inversement au fil des pages et des notes. Le lecteur / auditeur est donc convié à découvrir ces planches tout en écoutant le collage de sons hypnotique et répétitif. Forcément, si l’on veut suivre au plus près la correspondance entre la musique et les images, il y a un rythme de lecture à prendre, mais la tâche est quelque peu ardue si ce n’est quasiment impossible : quand tourner la page ? Ce motif musical que j’entends là est-il l’écho de cette forme graphique que je vois ici ?… ou suis-je déjà bel et bien perdu ? Mieux vaut finalement se laisser porter, la vitesse de lecture, différente pour chacun, servant de métronome singulier à cette performance inhabituelle.

L’univers mis en place par Baladi et Ghostape, même s’il n’échappe pas à une certaine abstraction, raconte quelque chose. L’enjeu est ici de l’ordre de la création et la destruction, la mutation des choses et leurs conséquences sur l’espace. Le dessin joue des formes élémentaires, une ligne, une tache, des fils et des points en perpétuel mouvement : voici un monde en continuelle transformation. D’un magma étrange et sombre s’échappent quelques énergies volatiles qui envahissent peu à peu l’espace puis la ville. Des formes rappelant quelques vieux vinyles s’épanchent sur la cité et au contact de l’atmosphère urbaine se désagrègent lentement. Tout est alors en proie à la décomposition : les immeubles fondent, les trottoirs se gondolent, les vêtements se liquéfient. Aucune trace de la civilisation moderne n’échappera à ces mystérieuses forces, et c’est un retour aux éléments primitifs et au chaos originel qui est alors à l’œuvre. Les sons minutieusement agencés de Ghostape rappellent quelques ambiances de Brian Eno ; un flot continuel entrecoupés de bruits divers, air à la fois obsédant et évocateur qui sied bien à la suite de dessins hallucinogène composée par Baladi.

Au-delà de l’intérêt expérimental de ce travail, il faut toutefois avouer que la pertinence de l’œuvre s’émousse assez vite. Le talentueux et prolifique Baladi, dont on recommandera en particulier La Main droite ou la série Nuit tombante, n’est pas Moebius, et son trait pour l’occasion trop rond et grossier peine à rendre captivante cette suite d’éléments déchaînés et d’organes en déliquescence. Si l’on peut saluer dès lors une expérience artistique originale, on préférera attendre les prochains volumes de la collection pour manifester un véritable enthousiasme.

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 06/05/2006 )
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