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Les Mangeurs d’Absolu
de Alexandre Kha
Tanibis 2007 /  10 €- 65.5  ffr. / 104 pages
ISBN : 9782848410098
FORMAT : 12x15,5 cm

Le Manège enchanté

Les Mangeurs d’Absolu est de ces livres inclassables, attachants et auxquels on peut se surprendre à repenser au détour d’une errance passagère, d’une absence tranquille. Formellement d’abord, le livre oscille entre opuscule poétique, façon recueil d’aphorismes ou de pensées, et livre illustré ; chaque page déroulant le même dispositif : une simple illustration légendée d’un court texte. Le ton est tour à tour drôle et mélancolique, absurde ou plus amer. Si l’ensemble peut se lire comme une grande histoire – les personnages se croisant au fil des pages dans un manège enchanteur – il n’est pas impossible non plus de prendre à plaisir à picorer ici et là quelques passages qui, mêmes volés à l’ensemble, n’en gardent pas moins une gracieuse signification.

Il est forcément inutile de résumer les intrigues qui se tissent donc ici : qu’il soit juste expliqué qu’Alexandre Kha nous parle ici de petits bonheurs simples et de grands drames du quotidien ; des moments de vie touchants ou fantastiques, des rencontres et des ruptures, des amours perdus et des espoirs retrouvés. Là, un homme fait un long chemin pour se suicider avant de se réveiller au petit matin, ragaillardi et prêt à reconquérir de nouveaux horizons. Il y a aussi ce musicien qui écoute le souffle du vent dans le feuillage des bouleaux, cette jeune fille qui a force de se regarder dans le miroir passe de l’autre côté, ou ce modeste employé de bureau qui cherche l’âme sœur dans n’importe quel regard croisé.

Derrière leurs figures animales, les personnages mis en scène ici restent donc forcément trop humains, les faiblesses de l’âme solidement harnachées à ces longues silhouettes fragiles. Chacun vivant avec ses rêves et ses désirs, chacun égaré dans un égoïsme qui encombre inévitablement la route vers un utopique bonheur. En quête d’absolu, ces êtres en oublient de vivre et l’amour destructeur qui les anime parfois gâche quelques belles histoires : au final beaucoup reste seul, persuadés d’avoir fait les bons choix, enfermés dans des certitudes trompeuses.

Le trait filiforme de Kha – on pense à Saint-Exupéry - se faufile discrètement dans la page avant de se faire une place à part, frêle mais bien présente, indéniable, à la fois immatérielle et indéracinable. Ce trait faussement fragile se marie parfaitement à ces instants volés au hasard et l’ensemble ressemble aux bribes d’un rêve qu’on essaiera de remettre en place au réveil : il y avait une grosse dame dans une maison qui chantait, et puis un peintre et aussi un épouvantail… Et de ces restes nocturnes, perdus en cours de veille, restent quelques instants poétiques touchants qui vous marquent et vous poursuivent pour quelque temps encore.

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 12/06/2007 )
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