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La Fin du monde
de Pierre Wazem et Tom Tirabosco
Futuropolis 2008 /  19 €- 124.45  ffr. / 116 pages
ISBN : 9782754801225
FORMAT : 20x29 cm

Grosse grosse fatigue

Ca y est, c’est la fin du monde ! Les indices ne trompent pas : une pluie qui n’en finit pas, des silures qui quittent la rivière, les gens qui s’affolent, des émeutes… Mais la fin du monde, une jeune femme s’en fout un peu. Son monde à elle a sombré voilà quelques années quand sa mère s’est laissée mourir… et le naufrage continue avec un père un peu absent, et désormais dans le coma… Elle se sent comme « une feuille blanche », sans but et sans envie… la déprime personnifiée. Et puis l’étincelle : le chat à nourrir dans la maison de son père, enfin un but dans une existence morne. La trame pourrait paraître simpliste, mais dans cette maison, il y a une pièce close depuis des années, hantée par un être mauvais… et aussi un chat philosophe… et même une vieille dame qui connaît bien des secrets et sait parler aux félins. Avec de tels alliés, notre mystérieuse inconnue est prête à s’enfoncer dans les méandres de son histoire, et à affronter un passé encore bien présent…

Voilà un album tout simplement magnifique, émouvant, un conte fantastique intimiste, onirique, avec des chats qui causent et des monstres cachés dans l’inconscient. Un conte sur la perte d’un parent et le traumatisme de l’absence, un conte sur la difficulté à parler et l’enfer du silence. Pas de noms (sauf le chat, Capsule), pas de lieu, pas de temps (excepté un mauvais temps)… Rien que l’errance d’une jeune femme qui, au bout du labyrinthe de l’inconscient, retrouve un père et une raison de vivre. On songe à David B. et à son exploration de l’inconscient et du haut mal : mêmes visions, même talent à mettre en scène l’impalpable, à donner une forme à un sentiment. Le scénario de Pierre Wazem semble à la fois simple, très dépouillé dans les dialogues, et en même temps d’une finesse d’approche qui laisse le lecteur songeur, encore sous le charme longtemps après avoir quitté, à regret, la dernière page. Et le graphisme sobre, tout à la fois dépouillé et intuitif de Tom Tirabosco y est également pour beaucoup : à base de pastels, déclinant des tons bleus, blancs et gris, il parvient à rendre palpable ce mal de vivre, et dense, quasi-réel, l’inconscient du père comateux. Silhouette androgyne de l’héroïne, ambiance hantée de la maison familiale, démesure des bois qui figurent l’inconscient familial… et inversement, figure toute ronde de l’enfant… Même le chat semble avoir une personnalité étrange. Un album d’atmosphère, un coup de cœur et un coup de poing…

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 30/09/2008 )
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