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Bande dessinéeet Historique  

Par les chemins noirs (tome 2) - Les fantômes
de David B.
Futuropolis 2008 /  14 €- 91.7  ffr. / 64 pages
ISBN : 978-2-7548-0220-8
FORMAT : 22x30 cm

Couleurs: Hubert

Un fantôme dans la foule

Avec ce deuxième tome, David B. conclut le premier diptyque de sa nouvelle série, et fait à nouveau la preuve de ses grandes qualités de dessinateur et de scénariste.
Au dernier festival de Blois, une exposition de planches originales des deux volumes de la série ont montré la précision de son trait, d’un tremblement égal à tout point de la case. Mais c’est surtout dans les scènes de foule qu’il exhibe son talent, dans des compositions géométriques bousculées, transformant les promenades en corps à corps et les combats en frises antiques.
Côté scénario, on retrouve Mina et Lauriano, le couple d’amoureux. Dans Fiume en 1919, rien n’est simple : la ville est assiégée, gouvernée par un Gabrielle d’Annunzio pétri d’indépendance et de poésie. Ici, chacun semble vouloir la peau de quelqu’un d’autre. Sauf Lauriano lui-même, qui ne parvient pas à oublier la mort dans les tranchées de son ami Leone, et qui cherche surtout à consoler son fantôme. Les miliciens, les policiers, les statues et les spectres se mêlent et la grande Histoire accueille la petite.

David B. nous accueille dans une antichambre remplie d’une impressionnante documentation. Pourtant, il ne tombe jamais dans le documentaire rébarbatif. Son histoire est toujours folle, mystérieuse, passionnante.
Le premier tome de Par les chemins noirs traitait d’un équilibre ambigu entre art et pouvoir. Fiume était « la ville dont le commandant est un poète », et on voyait se mêler les intrigues policières et littéraires. Désormais, le divorce est consommé. Commandant et commissaire se préoccupent uniquement de leur service, tandis que les poètes véritables organisent la fronde. C’est encore l’art qui en sortira vainqueur : David B. est un peu dans cette statue qui franchit la ligne des militaires, ou dans ce journal périmé qui arrête les balles. Quand les soldats se prennent trop au sérieux, c’est aux émotions, nostalgie et superstitions, de sauver ce qu’elles peuvent.
Dans cette allégorie, on retrouve tout David B. L’auteur construit d’ailleurs des ponts entre ce diptyque et le reste de son œuvre : on redécouvre ainsi le pays du Non-où, ce lieu mystique et imaginaire qu’il ne cesse d’explorer. Lauriano, auteur d’articles multiples pour Les incidents de la nuit sous des pseudonymes différents, incarne le dessinateur dans une de ses identités passées. Et Gabriele d’Annunzio, l’homme déchu et abandonné, prend parfois des allures d’épileptique, celles de Jean-Christophe dans L’Ascension du Haut-mal.
On retrouve, surtout, cette obsession pour le monde merveilleux des fantômes qui nous accompagnent, dans la solitude et la foule.

En s’écartant de l’histoire particulière pour aller vers une œuvre en toile d’araignée, David B. annonce aussi la suite de cette série de Par les chemins noirs, où les personnages sont appelés à se recroiser sans plus occuper le centre de la narration. Comme une intrigue qui viendrait en hanter une autre.

Clément Lemoine
( Mis en ligne le 30/12/2008 )
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