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Bande dessinéeet Historique  

Blanche (tome 1) - L'ÃŽle de solitude
de Thierry Chavant
Delcourt - Histoire et histoires 2009 /  12.90 €- 84.5  ffr. / 48 pages
ISBN : 978-2-7560-1492-0
FORMAT : 23x32 cm

Couleurs: Delf

Oie blanche ?

Blanche de Saint Ange… Le prénom est bien choisi pour cette jeune fille de 18 ans, appartenant à l’aristocratie, et mariée bien malgré elle, telle une oie blanche, à un homme de 50 ans, plus sensible à son pedigree qu’à son charme. Nous sommes dans le XVIIIe siècle classique, celui des Liaisons dangereuses, et de Rousseau, plutôt que chez Voltaire. Car Blanche est affligée d’un handicap gênant, elle ne perçoit pas les couleurs… Son monde est uniformément gris, neutre… et triste. Et comme la vie n’est jamais un conte de fée, elle quitte, au bras de son mari, sa famille pour une île perdue, un peu sauvage, à la population plus que fruste. Face à la médiocrité de la bonne société locale, la solitude la guette, ne restent que les livres… et Toumaï, esclave noir de son état, aussi seul et perdu que Blanche. Alors forcément, la rencontre de deux solitudes produit des étincelles, mais dans un siècle où les lumières ne sont encore que des flammèches issues de la ville, l’histoire de Blanche et Toumaï n’a rien de simple.

Les amours interdits de la belle aristocrate solitaire et du bel esclave noir : certes, c’est un peu cliché et l’on a vu des drames sentimentaux plus originaux. Le décor ne se distingue également pas par sa grande originalité : une bonne société un peu mitée, des paysans débiles et contrefaits... mais voilà, cette histoire simple est transfigurée par un graphisme sobre, élégant, et même emprunt d’une certaine froideur. Il y a là une précision, une méticulosité dans le trait, attentif aux détails, aux harmonies, aux atmosphères, qui dopent le récit et retiennent l’attention du lecteur. Ce qui, sous un autre pinceau, passerait pour une romance stéréotypée trouve ici, grâce à la patte de Thierry Chavant, les allures d’une belle histoire d’amour entre deux êtres seuls. Blanche, froide, impavide (extérieurement), triste (désespérément) erre dans un monde gris (que l’on entrevoit par bribes)… Un monde qui, coloré, n’est pas forcément plus beau. Quant à Toumaï, il est, dans un premier temps, le témoin et le narrateur : singulière attention qui force le lecteur à devenir, à son tour, l’un de ces voyeurs qui ennuient le jeune femme.
Et, dans une certaine mesure, ce premier tome est même davantage un récit sur la solitude qu’autre chose : les autres, le décor, le récit même… tout passe au second plan dans cette fresque sur l’isolement et ses extrémités. Puis viennent la découverte de l’autre, la rencontre, le sentiment… Un conte un peu romantique, un peu philosophique, à la mode du XVIIIe siècle, tout en retenue et en petites choses précieuses.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 01/06/2009 )
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