L'actualité du livre
Bande dessinéeet Historique  

Rose Valland, capitaine Beaux-Arts
de Emmanuelle Polack , Claire Bouilhac et Catel
Dupuis 2009 /  11.50 €- 75.33  ffr. / 56 pages
ISBN : 978-2- 8001-4552-5
FORMAT : 19x25 cm

Art en résistance

À l’occupation du territoire, la déportation des populations, les morts, les blessés, les souffrances diverses, on peut ajouter – dans les malheurs de la guerre – la déportation culturelle, celle des œuvres, volées ou exterminées comme « art dégénéré » selon les critiques nazis (mais un Goering savait parfaitement faire la part de l’idéologie dans ses appétits de collectionneur)… Et là comme ailleurs, il y eut résistance, refus, réaction. Cet album raconte l’histoire de Rose Valland, assistante de conservation et « capitaine Beaux-Arts » qui, parvenant – avec l’aide de la résistance rail - à préserver une série d’œuvres au moment de la fuite allemande de Paris, et de la Libération, entreprit de sauver de la guerre et de la furie nazie ce qui restait sauvable. Conservatrice affectée au musée de l’Orangerie durant l’Occupation, elle y voyait arriver, par camions, les « biens confisqués » aux juifs, et spécialement les œuvres d’art. À la Libération, la voilà lancée dans une Allemagne encore en guerre : aidée par un officier américain, Rorimer, elle piste les œuvres volées, fait un raid jusqu’à Berchtesgaden (le nid d’aigle d’Hitler), et dans le château de Goering… collectionneur avide mais connaisseur médiocre… Tandis que dans l’ombre, un sinistre personnage, le docteur Lohse, l’homme qui effectuait les prises au nom de Goering, parvient à s’en sortir… jusqu’à un beau jour de l’année 2007 !

Voilà un album beau et intelligent à la fois : l’histoire vraie de Rose Valland vaut bien les meilleurs scénarios de guerre (et l’on aurait même pu allonger un peu la sauce, pour mettre en scène ses aventures allemandes, réduites au minimum). Catel, jouant des couleurs pour indiquer, par une sorte de sépia, l’Occupation, tente de restituer un climat de guerre tout en en atténuant les réalités… Ainsi, Goering ressemble à un petit bonhomme grassouillet et rigolo et Leclerc fait très emprunté… L’occupation, la collaboration, l’aryanisation des biens juifs : tout cela est exposé rapidement, un peu sacrifié dirait-on (question de place sans doute : il ne s’agissait pas là de livrer le fruit d’une recherche). Le graphisme vise clairement un public adolescent amateur d’Histoire et sensible à un récit stimulant. C’est un choix… regrettable, tant l’album aurait mérité un traitement plus adulte, plus large et plus sombre sans doute. Le résultat est toutefois très intéressant : une histoire bien menée, très bien mise en scène et qui passionnera jeunes et moins jeunes. Le scénario d’Emmanuelle Polack et Claire Bouilhac est habile, et revient sur les moments essentiels de l’épopée de Rose Valland, au risque toutefois de sacrifier le décor au récit. En outre, l’album est nanti d’un cahier de documents (nombreux et de tout type : reproduction de papiers, d’affiches, photographies…), et d’une chronologie solide, manière d’approfondir une histoire qui n’est pas un roman, mais bien un destin.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 24/11/2009 )
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