Bande dessinée
Historique de Eric Corbeyran et Horne
Delcourt - Neopolis / Série B 2013 / 14.30 €- 93.67 ffr. / 56 pages
ISBN : 978-2-7560-3229-0
FORMAT : 23x32 cm
L’après Jeanne
1431 : Jeanne d’Arc meurt sur un bûcher à Rouen, après avoir été trahie lors du siège de Compiègne, sans que son protégé, le roi Charles VII, ne s’en affole outre mesure. 1435 : la rumeur enfle, d’une trahison de la Pucelle de Domrémy… une rumeur qui pourrait menacer le trône. Aussi la reine mère, Yolande d’Aragon, charge-t-elle deux « anciens » de l’ost royal ayant mal tournés, des proches de Jeanne d’Arc – Etienne de Vignolles et Jean de Xaintrailles – d’enquêter dans le milieu des vétérans de cette guerre, une enquête qui, de La Trémoille à Gilles de Rai, entraîne les deux hommes dans un passé pas si reluisant, et les coulisses de l’affaire Jeanne d’Arc. Et dans les coulisses campe un vengeur qui va, de son côté, mener sa propre enquête. La vérité s’avère aussi surprenant que bien prosaïque : comment Jeanne en sortira t’elle ?
Le charme de cet album très réussi réside dans l’imbrication entre l’Histoire, la grande, celle de Jeanne d’Arc, et le polar et cette enquête policière menée classiquement – témoins, suspects, interrogatoires, raisonnements, péripéties et dévoilement final. Au hasard de l’enquête, on croise quelques grands du royaume, personnages dont l’Histoire a gardé la mémoire et qui apparaissent ici dans toute leur humanité, parfois héroïques, parfois misérables… le seul mythe planant dans cet album est celui de Jeanne d’Arc, encore est-il légèrement rectifié pour les nécessités de l’histoire. Le scénario de Corbeyran exploite bien cet arrière plan historique, en perdant peut-être le sens de l’événement au profit d’une vague histoire d’enquête au sein de l’enquête. Sans doute eût il été plus simple de laisser les deux hommes se remémorer la geste de la pucelle au hasard des interrogatoires, sans divaguer. Mais telle quelle l’histoire se tient joliment, et d’autant plus que le travail d’illustration mené par Horne est très réussi : un réalisme doux, inspiré par les clairs obscurs caravagesques. L’ombre, qui entoure le complot, entoure aussi les détectives et noie l’intrigue : on se demande au final où est le bien dans cette galerie d’hommes habiles. Au final, un album réussi, tant visuellement que scénaristiquement, et qui exploite habilement le contexte de la guerre de cent ans comme les marges de la grande histoire. Une belle évocation du mythe de la pucelle d’Orléans et une manière subtile de revenir sur des épisodes figés dans l’histoire de France.
Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 20/05/2013 )
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