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Bande dessinéeet Historique  

Shandy, un Anglais dans l’Empire (tome 1) - Agnès
de Matz et Dominique Bertail
Delcourt - Conquistador 2004 /  12.50 €- 81.88  ffr. / 48 pages
ISBN : 2847890734
FORMAT : 23 x 32 cm

Maudits mangeurs de grenouilles !

Paris, 1803. Shandy Ratcliffe est en voyage d’agrément : comme tout jeune aristocrate anglais, il accomplit dans l’Europe des débuts du XIXe siècle son « grand tour », un tourisme culturel avant l’heure censé ouvrir les jeunes esprits d’outre-Manche aux réalités européennes (politiques, artistiques, culturelles…). Mais l’on concevra sans difficulté que la France post-révolutionnaire, du Consulat et des prémices de l’Empire n’est pas forcément l’endroit le plus indiqué pour une villégiature au calme : l’anarchie révolutionnaire prend fin (on décapite encore un peu !) mais les routes restent peu sûres, les complots royalistes se multiplient – inspirés par la police ou bien réels – et au sommet de l’Etat, un homme songe à l’Europe et se défie des espions anglais. Attiré dans un guet-apens par un groupe d’escrocs rencontrés dans un salon, il y perd une bourse – maigre, du reste – mais y gagne un coup de foudre pour une belle aristocrate au rôle un peu trouble, Agnès. Mais Shandy, bien malgré lui, attire aussi l’attention d’un policier zélé, Adalbert Dorigo, plus que soupçonneux envers ce nobliau anglais égaré dans une France où le pouvoir est à prendre. Il s’ensuit un chassé croisé entre le couple fugitif et l’émule de Fouché qui mène tout ce monde de Versailles jusqu’en Prusse, dans un mystérieux monastère peuplé par des pénitents tout aussi étranges. L’Europe est décidément un continent bien barbare pour un jeune Anglais…

Ne boudons pas notre plaisir ! Il est rare de trouver des bandes dessinées se passant sous l’Empire : le sujet, démesuré, est peut-être un peu déroutant et suppose une recherche scénaristique et graphique importante, à l’ombre de quelques grandes lectures. Avec Shandy, un Anglais dans l’Empire, il semble que l’amateur de BD historique ait trouvé une pépite (on espère un gisement). L’histoire, au croisement du policier romantique et du fantastique, est captivante. Du reste, le scénariste n’est pas un inconnu : auteur de l’excellentissime Le Tueur, Matz fait une fois de plus la démonstration de son inventivité et d’un réel perfectionnisme dans l’intrigue ; quant au graphisme de Bertail, déjà remarqué pour L’Enfer des Pelgram, il est à l’avenant : très original, lissé, fluide, il se coule parfaitement dans un scénario ambitieux et sait jouer des perspectives comme des angles de vues originaux. Plus particulièrement, le jeu des couleurs révèle un talent sûr et une grande maîtrise des ambiances. Egalement, les décors sont impressionnants (en particulier l’hôtel de ville de Paris, p.  29, ou encore, p.  30, un champ de blé très inspiré des jaunes de Van Gogh). Bref, l’harmonie entre les auteurs éclate sur le papier, tant le résultat est plaisant et d’emblée assuré. Il s’agit maintenant de persévérer, mais, heureusement, le début du XIXe siècle a de quoi inspirer les bonnes volontés et les talents.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 02/10/2004 )
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