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Bande dessinéeet Historique  

Par les chemins noirs (tome 1) - Les prologues
de David B.
Futuropolis 2007 /  14 €- 91.7  ffr. / 64 pages
ISBN : 978-2-7548-0100-3
FORMAT : 22x30 cm

La Ville dont le président est un poète

La Première Guerre mondiale ne s’est pas arrêtée à la signature du traité de Versailles. Elle s’est dispersée en escarmouches locales, en bandits errants, en conflits territoriaux qui la feront renaître vingt ans plus tard. David B., toujours passionné par l’histoire en général et celle des conflits armés en particulier, décide de consacrer une nouvelle collection à l’entre-deux-guerres. Et commence sa série par un récit macabre et fantaisiste.

L’action se passe à Fiume, en 1920. Gabriele D’Annunzio a pris la tête de la ville et proclamé son rattachement à l’Italie. Ce personnage formidable, à la fois poète, soldat et homme politique, va accueillir auprès de lui les fous, les révolutionnaires et les rêveurs en général. La ville et son gouvernement semblent sous l'emprise de la drogue, des vertiges qui dureront toute l’année jusqu'à sa reddition à la fin 1920.

Sous son modèle, David B. fait passer une ribambelle de personnages, errant le long des artères de Fiume en attendant la guerre, la révolution ou la mort. Entre deux batailles de rues, entre deux chansons, les bandits et les amoureux se taillent des parts de rêves. L’autre poète à traîner dans les rues de Fiume s’appelle Lauriano. Selon l’un, c’est un sale bourgeois qui joue aux aventuriers ; selon un autre, personne ne le connaît, il a toujours l’air d’être là par hasard et ne dit jamais rien. En tous cas, le voilà qui s’éloigne d’une combine de bandits pour les beaux yeux d’une chanteuse française. Les amoureux et les brigands font bon ménage, dans ce portrait d’une ville en désordre.

David B. fait miracle pour décrire Fiume pris de transe, une foule qui va et qui vient au gré des bagarres de rue et des discours. Il relie parfaitement des destins individuels attachants au possible et une Histoire majuscule, mais tout autant fantaisiste.

Ce monde appartient aux rêveurs. Et David B. nous rappelle à quel point l’Histoire, la grande, est loin des manuels scolaires : pleine de poésie, de mots merveilleux, de dialogues parfaits et d’anecdotes invraisemblables. Il est bon de savoir qu’un grand auteur comme celui-ci peut toujours faire preuve d’humour et de légèreté, sans rien perdre de la force de ses obsessions.
Il nous annonce dans ce cycle d’histoires «les lumières et les feux du monde vu de l’ombre», les «destins croisés de personnages venus de toute l’Europe». Retrouvera-t-on les figures entrevues dans ce volume ? David B. aime toujours relier ses œuvres les unes entre elles, témoins ces Incidents de la Nuit qui réapparaissent entre les mains de Lauriano. L’auteur s’incarne dans chacun de ses personnages, des figures d’un instant qui révèlent toujours un peu plus que ce qu’elles représentent. Le commissaire Crispi, qui enquête sur les trafics d’objets volés, est surnommé Maciste par les bandits milanais. Lauriano se prend pour un chat, et Mina Linda pour un ange. La mythologie n’est jamais loin, et le monde n’est que mascarade.

L’album se décompose en prologues, pluriel ironique d’une réalité changeante. Même un historien ne parviendrait pas à deviner les merveilles que David B. nous racontera dans son entre-deux-guerres.

Clément Lemoine
( Mis en ligne le 02/05/2007 )
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