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Bande dessinéeet Manga  

Première neige
de Eric Corbeyran et Byun Byung Jun
Dargaud/Kana - Made in 2009 /  15,00 €- 98.25  ffr. / 144 pages
ISBN : 978-2-505-00671-8
FORMAT : 15x21 cm

Le voyage d’hiver

Première neige est une histoire hélas banale -bien que traitée sur un mode particulièrement dramatique- que vivent bien des jeunes filles mariées pour de mauvaises raisons. L’œuvre retrace ainsi le parcours d’une femme qui s’inscrit à l’université, fait un temps des études, puis épouse celui qui lui déplaît le moins, et correspond au gendre idéal auprès de ses parents : une bonne situation sociale, un peu d’éducation, un revenu fixe. Bref, une routine triste mais, comme nous le disions, terriblement banal.
Mais le manga prend une tournure intéressante et terriblement inquiétante lorsque le mari emmène sa femme dans la campagne reculée de son enfance, l’enfermant dans un enfer calme et désespérément froid pendant que monsieur travaille à la ville, menant une vie sociale que l’on suppose riche et stimulante. Un long suicide passif s’ensuit alors…
Les auteurs poussent donc le bouchon un peu plus loin, imaginant jusqu’où l’aliénation peut aller dans certains cas de figure -en l’occurrence chez un personnage faible et fadasse, d’une passivité assommante, qui accepte son destin sans rechigner. L’épouse de l’œuvre n’est pas sans rappeler la triste Jeanne du roman Une vie de Maupassant (le manga serait d’ailleurs l’adaptation libre d’une œuvre de ce dernier, sans qu’il ne soit précisé laquelle). La solitude incommensurable de la jeune femme, superbement mise en exergue par les magnifiques illustrations de Byun Byung Jun -qui s’apparentent à des aquarelles mélancoliques aux pastels et aux ocres automnaux- et sa morosité sans fond trahissent amèrement une vie par procuration, sans joie ni peine. La complaisance de cette anti-héroïne dans l’inaction glace et agace : on rêverait de secouer la donzelle, si jeune et pourtant si soumise. Car loin d’être une victime, l’épouse entretient sa déchéance et se retrouve l’artisan de sa propre décadence : chantage affectif, vengeance sournoise passant par une autodestruction larvée sont autant de mauvais sentiments qui animent la jeune fille et donnent un semblant de sens à son existence.

Océane Brunet
( Mis en ligne le 22/09/2009 )
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