L'actualité du livre
Bande dessinéeet Manga  

Kamui-Den (vol.1)
de Sanpei Shirato
Dargaud/Kana - Sensei 2010 /  29,00 €- 189.95  ffr. / 1486 pages
ISBN : 978-2-505-00897-2
FORMAT : 15x21 cm

Inventer l’inconnu

Il en va pour les mangas comme pour les œuvres classiques : certains sont inévitables pour appréhender toute la richesse et la diversité de cet art, et pour en comprendre son évolution. Kamui-den fait partie de cette élite et se veut un appel à peine masqué à l’insoumission et à la méfiance envers les puissants.

Nous sommes à l’époque d’Edo et la société nipponne repose sur un système féodal inique et ségrégationniste qui s’appuie sur l’organisation de castes n’étant jamais appelées à se mêler : « Les dirigeants ont mis au point des politiques discriminatoires et ont légalisé la classification des individus afin de conserver leurs avantages. La discrimination rend les gens hostiles les uns aux autres, les fractionne et permet de soutenir les droits des dirigeants qui essaient d’aller à l’encontre de l’Histoire. » (p.200). Cette division pour mieux régner offre ainsi une vision moins glamour de cette époque que celle généralement véhiculée par les mangas : les samouraïs n’y sont pas honorables, les seigneurs se montrent cruels et impitoyables, et même les plus démunis trouvent encore la force de se haïr entre eux au lieu d’allier leurs forces.

Sanpei Shirato réalise donc au travers de cette fable une critique virulente des sociétés humaines en général, toutes fondées sur l’asservissement d’une partie de leur population. Une fois ce constat fait, l’auteur amène intelligemment son lecteur à appréhender le fond de sa pensée, la dévoilant pas à pas comme pour ne pas nous effrayer. Cette manœuvre habile permet ainsi à Shirato de délivrer un discours subversif qui n’est rien moins qu’un véritable appel à la rébellion. Car deux castes subsistent toujours dans notre monde moderne, semble nous dire le mangaka : celles des pauvres et des riches.
Et d’en appeler à un projet utopiste qui mettrait les hommes sur un pied d’égalité et gommerait leur différence de traitement quels qu’ils soient, tout en faisant preuve d’un indéfectible optimisme en se rattachant à un « sens de l’Histoire » proche de celui de Karl Marx. Ainsi l’amélioration de la condition humaine serait-elle la seule évolution possible de notre civilisation. Bref, Shirato signe une œuvre colossale riche d’une réflexion philosophique et métaphorique où, vous l’aurez compris, on ne s’ennuie jamais.

Océane Brunet
( Mis en ligne le 25/01/2011 )
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