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Bande dessinéeet Manga  

Au temps de Botchan (vol.1)
de Jirô Taniguchi et Natsuo Sekikawa
Casterman - Ecritures 2011 /  16,00 €- 104.8  ffr. / 240 pages
ISBN : 978-2-203-02563-9
FORMAT : 17x24 cm

Sôse… qui ?

Sôseki, riche professeur de littérature à l’université, s’adonne régulièrement à la boisson et à l’écriture pour calmer ses névroses. C’est dans une brasserie qu’il fait d’ailleurs la connaissance de quatre jeunes gens d’origines sociales très différentes. Tout d’abord Kanson, un ouvrier épris de socialisme et destiné à une carrière politique dont il ignore encore tout. Vient ensuite Sôhei, romancier et traducteur. Enfin, Chûraburô, tireur de pousse-pousse et étudiant, et Shirô viennent compléter la joyeuse bande. Sôseki leur révèle un jour l’objet de son prochain roman intitulé Botchan

Taniguchi et Sekikawa relèvent avec talent l’audacieux défi de vouloir retracer la vie artistique, intellectuelle et politique de l’ère Meiji. En ce début de XXe siècle, le Japon connaît une occidentalisation galopante qui le mène au bord de la rupture schizophrénique. C’est dans ce contexte de grands bouleversements que le microcosme littéraire dans lequel évolue Sôseki bruisse de mille idées, foisonne de courants de pensées partant tous azimuts, se mêlant de politique, d’économie et de vie sociale.
Ce cercle d’intellectuels, souvent oisif mais jamais à court d’inspiration, mène ainsi une vie de bohème et de précarité paradoxalement propice à la création. Mais malgré les apparences, cette génération est rongée par l’inquiétude d’un avenir incertain et les auteurs de nous rappeler la période charnière et trouble que constituent ces années 1900 dans un Japon en proie à de multiples conflits et à un nationalisme rampant.
C’est ainsi que Taniguchi et Sekikawa ont su restituer toute la complexité et les paradoxes de Sôseki, romancier pris dans le tourbillon de la modernisation de son pays, particulièrement anxiogène et déstabilisant. Une certaine mélancolie émane d’ailleurs de l’œuvre, la nostalgie d’un Japon qui n’est plus, traditionnel et pré-occidental. Ce temps révolu y est décrit comme une époque bénie, mise en scène par de touchantes tranches de vie aux atmosphères familières et apaisantes : un rayon de soleil, un chat sur un toit, chaque détail nous ramène à une existence tranquille et participe à l’ambiance indolente et méditative de l’œuvre, émaillée par quelques beuveries monumentales. Cet univers fort repose essentiellement sur les stupéfiantes illustrations de Taniguchi, dont le réalisme et la précision sont à couper le souffle.

Océane Brunet
( Mis en ligne le 07/04/2011 )
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