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Bande dessinéeet Manga  

Gen d'Hiroshima (tome 2)
de Keiji Nakazawa
Vertige Graphic 2003 /  15.00 €- 98.25  ffr. / 260 pages
ISBN : 2-908981-80-7
FORMAT : 17 x 24 cm

Humanité

Suite au bombardement d’Hiroshima le 6 août 1945, à 8 h 16 précisément, la vie de Gen bascule dans l’horreur. Après avoir perdu simultanément son père, sa sœur et l’un de ses frères, le jeune garçon va devoir apprendre à survivre au milieu d’une ville à feu et à sang. Mais comme la vie est indifférente au malheur des hommes, elle poursuit inexorablement son cours et c’est ainsi que la mère de Gen accouche d’une petite fille quelques heures seulement après avoir perdu une partie de sa famille. Du chaos naît alors une lueur d’espoir et d’avenir : Gen, pour donner un sens nouveau à son existence ravagée, se jette à corps perdu dans la lutte pour la survie des siens : sa seule inquiétude, désormais, sera de protéger cette sœur, véritable cadeau du ciel. Il se met donc en quête de riz pour sa mère, qui ne peut allaiter l’enfant à cause de son état de dénutrition avancée.

Nakazawa poursuit, dans ce deuxième volume, son travail de témoignage, avec un optimisme inébranlable. Aux scènes de découragement et d’horreur font toujours suite des instants de grande humanité ; à la petitesse et au racisme de tout un chacun, des moments de grande solidarité ; aux cadavres en décomposition et aux blessés gravement brûlés, l’insouciance des groupes d’orphelins, spontanément formés suite au bombardement. Ce contraste est d’ailleurs parfois troublant, voire choquant. La grande naïveté des dessins, qui pourtant décrivent des scènes abominables, proche de l’insoutenable – vers qui pullulent dans les plaies de civils encore vivants, jeunes femmes défigurées par les radiations, enfant tétant sa mère morte –, semble en étrange décalage avec le propos. Mais peut-être est-ce là que résident toute la force et la subtilité de la série : la candeur du trait permet effectivement à l’auteur de décrire précisément ce qu’il a connu, sans pour autant tomber dans un voyeurisme cru, l’image se mettant ainsi au service de l’histoire, tout en l’allégeant.

L’auteur aborde également le problème du deuil et de la survie : comment continuer à vivre quand plus rien n’a de sens ? Et c’est justement là le credo de ce tome. Faire sens. Ne pas succomber à la tentation de l’autodestruction. Hélas, on reprochera à nouveau le manque de charisme et de profondeur psychologique de Gen, que l’on a parfois du mal à suivre dans ses états d’âme. Mais là encore, il s’agit d’une description très réaliste du monde de l’enfance, où l’on oublie vite et où l’on se moque de tout, passant du rire aux larmes avec une aisance déroutante. Enfance souvent cruelle, d’ailleurs – les petits orphelins n’hésitent pas à se moquer de la perte de cheveux de Gen, et à le frapper violemment –, à l’image du monde qui l’entoure. Dommage que Nakazawa se fasse si facilement rattraper par ses bons sentiments, qui étouffent parfois son histoire.

Océane Brunet
( Mis en ligne le 20/10/2003 )
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