Bande dessinée
Manga de Sho-U Tajima et Eiji Otsuka
Pika éditions 2004 / 7.90 €- 51.75 ffr. / 190 pages
ISBN : : 2-84599-354-4
FORMAT : 11 x 18cm
La mémoire est l'avenir du passé
Le tout nouveau ministre de la Justice Onihigata décide de frapper un grand coup en ordonnant l’exécution de 26 détenus condamnés à mort. Parmi eux, un certain Umemiaya Akio, qui porte inscrit sur sa cornée un étrange code barre, à l’instar des victimes sur lesquelles enquête notre détective schizophrène Amamiya. Mais le malfrat appelle quelque temps après sa mort pour annoncer une série de crimes : il y a eu visiblement erreur sur la personne et un complice d’Umemiaya s’est fait exécuter à sa place. L’affaire se corse lorsqu’Amamiya découvre que le tueur en série connaissait l’une de ses personnalités, Nishizono Shinji.
C’est à nouveau par le truchement d’une édition sobre et classieuse que l'on retrouve avec plaisir la suite des aventures du détective schizophrène. L’étau se referme peu à peu sur ce dernier qui, pour résoudre cette sombre histoire de meurtres, doit réaliser une véritable introspection, à la recherche d’un passé qui possède la clef du mystère. Cette douloureuse quête de cohérence plonge le protagoniste dans le sinueux dédale de ses souvenirs tronqués, sorte de Memento à la japonaise. Ici, pas de vérité absolue ni de certitudes, mais un faisceau de réalités perçues via le prisme de la folie, avec son cortège de délires et d’hallucinations.
« Le souvenir, ce n'est pas une réminiscence du passé, c'est le moment où le présent trébuche sur une aspérité de l'histoire et libère un message laissé là longtemps auparavant, qui se déploie et prend son sens », disait pompeusement mais avec beaucoup de pertinence Richard Powers dans une interview donnée au Inrockuptibles. Dans MPD Psycho, tout est une construction de l’esprit : brouillant les pistes avec un malin plaisir, les auteurs élaborent un suspense nerveux et efficace à grand renfort d’ellipses et de non-dits, quitte à sacrifier sur l’autel du mystère tout rythme, et parfois toute pertinence. On regrettera en effet la lenteur du scénario, qui n’évolue pas beaucoup dans ce troisième tome, et la complexité hasardeuse de l’histoire.
Vous l’aurez compris, cette intrigue paranoïaque fait de tout le monde un suspect idéal. Soutenue par un trait hyper-réaliste, presque clinique, au service d’illustrations à l’esthétisme maîtrisé et à la cruauté élégante, la série est une vision noire de l’existence, avec son lot de petites horreurs quotidiennes.
Océane Brunet
( Mis en ligne le 15/09/2004 )
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