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Bande dessinéeet Manga  

Global garden (vol. 3)
de Saki Hiwatari
Delcourt 2004 /  5.75 €- 37.66  ffr. / 180 pages
ISBN : 2-84789-425-X
FORMAT : 13x18 cm

Tous les genres sont dans la nature

Masato apparaît en songe à Ruika pour l’avertir d’un danger proche. La jeune fille, troublée, décide de révéler enfin à sa mère qu’elle n’est pas Masato, et que son frère est mort il y a bien longtemps : elle se présente donc à elle habillée en fille. Mais sa mère a une réaction violente de rejet, niant une fois de plus la réalité. Déstabilisée, Ruika persiste tout de même dans sa démarche et s’astreint à rendre régulièrement visite à sa génitrice dans ce nouvel accoutrement. Mais un jour, Ruika se fait agresser par deux individus qui cherchent à connaître son véritable genre…

Soutenu par le désormais très caractéristique trait naïf qu’est celui d’Hiwatari, cette fable merveilleuse au doux onirisme offre une fois de plus des scènes fortes, voire choquantes. L’auteur aborde de manière quasi obsessionnelle les thématiques du travestissement – inextricablement liée à la question de l’identité sexuelle - et de la folie. Le lien exceptionnel qui unit Ruika à son frère défunt Masato se montre d’une ambiguïté délicieuse, cette fusion de deux êtres dans un même corps renvoyant à une image très sublimée de l’inceste.

Par ailleurs, ce manga quelque peu gentillet trouve son ancrage dans une réalité historique, à savoir l’entrée du monde dans l’ère atomique suite aux bombardements du Japon en 1945. Ce grand traumatisme est l’occasion pour Hiwatari de jeter un regard simple sur le passé, accompagné d’un discours écologico-humaniste de bon aloi. Les notes en fin de volume, très riches et documentées, sont d’ailleurs une invitation à la recherche, avec de nombreux liens internet pour approfondir les diverses références du manga et en apprendre un peu plus sur ces tristes jours d’août 1945. Un court rappel des faits est d’ailleurs proposé, dévoilant toute l’horreur de ces événements dont le Japon commémorera l’année prochaine le 60ème anniversaire. Hiwatari n’est pas la seule mangaka à aborder cette douloureuse période de l’histoire nippone (et mondiale), mais le fait d’une manière totalement différente d’un Keiji Nakazawa (Gen d’Hiroshima) : ici, point de confrontation directe avec l’horreur de la bombe atomique, mais plutôt une réflexion sur l’inclinaison auto-destructice de l’être humain, sans jamais se départir d’un indécrottable optimisme.

Les divagations de l’auteur (courtes interventions ainsi nommées par Hiwatari elle-même) nous dévoilent une personnalité exaltée, à fleur de peau, qui explique en partie l’excès de sensibilité de son œuvre. Difficile, donc, de classer cette série, qui pourrait répondre à l’improbable appellation de thriller scientifico-mythologique : « E=MC2 : cette formule peut produire à partir d’une personne une bombe ayant la capacité de détruire une partie de la terre. C’est pareil que le soleil se consumant quelques milliards d’années, il ne brûle qu’une partie de son enveloppe et crée d’énormes flammes comme si de minuscules bombes explosaient sans discontinuer. Donc si l’existence de cette déesse est comme l’uranium, et si vous la rencontrez en traversant le temps à la vitesse de la lumière, elle pourra ainsi devenir une bombe atomique dotée d’une force incroyable ! ». Comprenne qui pourra…

Océane Brunet
( Mis en ligne le 20/11/2004 )
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