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Say hello to Black Jack (vol. 3) - Chroniques du service de réanimation néonatale
de Syuho Sato
Glénat 2004 /  6,40 €- 41.92  ffr. / 220 pages
ISBN : 2-7234-4734-0
FORMAT : 13x18 cm

Ce qui ne me tue pas me rend plus fort

Un accueil glacial attend Saitô lors de son retour à Eiroku : après avoir muté un patient dans un centre hospitalier plus petit, estimant que ce dernier n’était pas correctement pris en charge au CHU –à cause d’obscures guerres intestines entre spécialistes-, le jeune homme s’est attiré les foudres de ses supérieurs. Traité comme un pestiféré, Saitô rencontre les pires difficultés, connaît de nombreuses déceptions…et se demande toujours pourquoi continuer dans cette voie si difficile et ingrate. Heureusement, le monde infirmier se montre un peu plus doux envers lui, notamment via les figures de séduisantes jeunes infirmières pleines de ressources qui partagent encore l’idéalisme de notre interne de choc…

Sato s’attache un peu plus au triste sort des internes dans ce troisième tome, à bout de souffle et démotivés par le rouleau compresseur du système hospitalier qui les broie impitoyablement. Trop peu nombreux, délaissant les spécialités les plus ardues afin de préserver leur qualité de vie, ce bataillon d’êtres surbookés à deux doigts du burn out syndrom se révèle constamment sur la brèche. Le jeune Saitô, face au triste constat de l’impuissance de la médecine à sauver tout le monde, devra ainsi apprendre à accepter la mort de ses patients et surtout à cesser d’accabler sa conscience de ces « échecs » intrinsèquement liés à la vie elle-même. Occasion pour l’auteur de rappeler au passage l’importance de l’écoute et de l’accompagnement dans la relation soignant-soigné, largement dévalués dans notre société techniciste, car considérés comme contre-productifs.

À la question « qu’est-ce qu’être médecin ? », Sato apporte donc une réponse militante, dénonçant sans ambages toutes les failles de la politique de santé : de l’hypocrite serment d’Hippocrate, assurant une soi-disante assistance aux plus démunis et une adaptation des honoraires à la hauteur des moyens de chacun, à la dénonciation de la surprescription de médicaments face à une « clientèle » demandeuse, rien ni personne n’est épargné par le discours mordant de l’auteur. Abordant d’épineux sujets qui secouent régulièrement le monde médical, la série traite par ailleurs assez crûment du problème de l’euthanasie (plus ou moins) passive, offrant les différents points de vue des protagonistes comme point de départ à un débat loin d’être clos.

Mais bien d’autres grands sujets minant quotidiennement le difficile art de l’exercice médical sont évoqués au fil des pages : avec, pêle-mêle, la fécondation in vitro, la prise en charge du handicap ou encore la tentation eugénique. Sans jamais sombrer dans un étalage de thèmes sulfureux facile et bien-pensant, Sato propose ici une œuvre foisonnante, d’une richesse extraordinaire. Toujours plus noire et désespérée, la série touche tout de même ici le fond : parfois larmoyante, terriblement pessimiste, tout le malheur du monde semble concentré dans ces quelque 200 pages. L’extrême détresse dans laquelle se trouvent médecins et patients, soutenue par un dessin poignant et élégant, nous renvoie à un univers en quête de sens, composé d’êtres cruellement livrés à eux-mêmes. Cette série grinçante est tout bonnement en passe de devenir culte.

Océane Brunet
( Mis en ligne le 29/11/2004 )
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