Bande dessinée
Manga de Sho-U Tajima et Eiji Otsuka
Pika éditions 2004 / 7,90 €- 51.75 ffr. / 178 pages
ISBN : 2-84599-370-6
FORMAT : 13x18 cm
Le sacrifice des faibles
Toguchi, le photographe paparazzi, pète brutalement les plombs lorsqu’il apprend tour à tour que le seul œil qui lui reste est menacé de cataracte et que celle qu’il aime va en épouser un autre. Armé jusqu’aux dents, l’homme descend les rues de Shinjuku en tirant sur tout ce qui bouge. Puis le forcené prend en otage une dizaine de personnes dans la tour Sud de l’Hôtel de Ville, porté par une haine sans fond envers le monde entier et n’ayant désormais plus rien à perdre. Toguchi, qui espère ainsi réaliser l’œuvre de sa vie, retransmet l’événement en direct sur le Net, exorcisant toutes les humiliations et les souffrances qu’il a endurées au cours de sa courte existence.
Brut de décoffrage, ce quatrième volume est un condensé de rage jouissive, un déferlement de haine gratuite qui révèle les profondeurs les plus obscures de l’être humain. Prenant une revanche inique contre la vie en faisant couler le sang d’innocents, Toguchi se sent investi d’une mission qui lui confère une dimension quasi messianique : celle de sortir le peuple de sa léthargie. Pamphlet contre une société grégaire en mal de sensations, cette rébellion délicieusement stérile et vaine jette un regard dérangeant, cynique et désespéré sur un monde sans foi ni loi, et ne manque pas de brocarder au passage la médiatisation écoeurante qui désormais écrit l’histoire du monde.
Soutenue par un trait à la fois cru et élégant, rythmée par une action sans temps mort, l’intrigue s’opacifie un peu plus. Le suspense, savamment entretenu par des révélations qui n’avancent pas beaucoup le lecteur, tend vers une étrange anamorphose où est question de codes barres, de banque des yeux ou encore d’une armée d’adolescents psychopathes - symptomatique d’un inquiétant malaise dans la civilisation - qui ne prendra probablement forme qu’à l’ultime volume de la série, levant un secret jusque-là bien gardé…
Océane Brunet
( Mis en ligne le 04/12/2004 )
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