L'actualité du livre
Bande dessinéeet Manga  

A l'ouest de Tokyo
de Yamada Naito
Carabas - Alternative 2004 /  10,50 €- 68.78  ffr. / 176 pages
ISBN : 2-914203-67-5
FORMAT : 21x15 cm

The desparate kingdom of love

Michan, épouse du mangaka Naito –qui n’est autre que l’auteur de ce manga- s’ennuie un peu. Un terrible constat s’impose un jour à son esprit, qui semble remettre alors en cause pas mal de choses: « Mariés depuis sept ans, ensemble depuis huit, troisième machine à laver... ». Lui se pose beaucoup de questions sur la nature de leur relation, la trompe sans la tromper. Mais lorsque Michan revoit une amie d’enfance qui vient d’avoir un enfant, celle-ci lui étale sans pudeur les disputes avec son concubin et sa difficulté à se sentir mère, confortant finalement quelque peu la jeune femme dans le choix de vie qu’elle s’est désigné.

Sans cris ni larmes, ces tranches de vie autobiographiques au trait éthéré affichent d’emblée un ton résolument nostalgique, suscitant un univers étrange et familier fait de petits riens constitutifs d’un quotidien souvent morose. La recherche graphique amorcée par Naito, qui mêle photographies retravaillées à l’extrême et dessins purs se montre d’ailleurs particulièrement intéressante. Michan et Naito, héros échevelés et insatisfaits, ne sont ici que prétexte à une réflexion sur la relation amoureuse et le fondement du couple : « Ni l’un ni l’autre on n’avait pas beaucoup d’amis. On était donc les meilleurs amis du monde. C’est pour ça qu’encore on se comprend bien mais, quant à savoir si on était amoureux, ça paraît aussi lointain que le Mont Fuji dans le brouillard… ».

L’auteur s’attache ainsi à dépeindre avec sobriété et sans aucun jugement la lassitude engendrée par une décennie de vie commune, le doux ennui qui finit par recouvrir d’une mince pellicule toutes les choses de la vie, y compris les plus belles. Avec en toile de fond l’irrépressible peur du temps qui passe, les angoisses à demi avouées nées d’un égoïsme à deux centré sur une histoire somme toute banale, le tout auréolé de considérations psycho-gastronomiques étonnantes (« Qu’est-ce qu’on fait ? Du cabillaud ou du tofu ? »). Comme si le ton du badinage pouvait alléger en quoi que ce soit le poids d’une vie sans passion ni espoir…

Œuvre intimiste qui fait parfois preuve d’un humour empli de dérision, ce chassé-croisé entre deux êtres à l’individualisme résigné qui, finalement, ne se comprennent pas (ou plus) et mènent des existences parallèles, ne traite de rien d’autre que de la difficulté de rentrer en contact avec l’Autre. Sans pour autant exclure un optimisme de bon aloi, dernière bouée de sauvetage pour des personnages à la dérive contrôlée, qui se révèle alors être un véritable moteur dans leurs existences étouffées: « Même si on se sépare, un moment, un jour, on se retrouvera. C’est un sentiment étrangement rassurant et réel. ». On aimerait tant pouvoir croire Naito…

Océane Brunet
( Mis en ligne le 28/01/2005 )
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