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Bande dessinéeet Manga  

Vampires (vol. 1)
de Osamu Tezuka
Asuka 2005 /  6,95 €- 45.52  ffr. / 304 pages
ISBN : 284965041-2
FORMAT : 10x15 cm

Aimez tout ce qui est vivant !

Derniers survivants d’une race martyre en voie d’extinction, celle des lycanthropes, les habitants du petit village de la vallée des pleurs nocturnes sont contraints de fuir leur terre natale et de se fondre dans la population humaine afin d’échapper à la persécution dont ils sont victimes. Pour gagner sa vie, Toppei part à Tokyo : c’est là qu’il demande à un certain monsieur Tezuka (l’auteur en personne !) de l’embaucher dans ses studios d’animation Mushi productions. Mais le vieil homme découvre rapidement la vraie nature de Toppei.

Le lecteur non averti pourrait se montrer au premier abord agacé par ce manga de 1967, et ne lui reconnaître qu’un vague intérêt historique et culturel : Tesuka fait en effet partie des dinosaures de la BD japonaise, dont il participa à l’élaboration des règles graphiques et scénaristiques. Érigé au statut d’écrivain national (le papa d’Astro boy eut droit à des funérailles nationales en 1989), cet auteur prolixe a de quoi effrayer le néophyte au vu de l’ampleur de son œuvre. Mais, une fois dépassé le stade crispant d’un manichéisme bébête, le manga dévoile son caractère profondément cynique : une étonnante dichotomie s’installe alors, opposant à un trait naïf un style narratif cru et très factuel.

Les situations s’enchaînent ensuite de manière un peu saccadée, avec un manque de fluidité qui accentue notablement la cruauté sous-jacente à la série. Car c’est d’une manière désabusée, et non sans un certain fatalisme, que Tezuka dénonce la nature humaine, foncièrement mauvaise et en proie à une intolérance viscéralement inscrite en elle. Toppei, juif errant et victime d’une société normative, se retrouve ainsi confronté au difficile problème de l’altérité, avec toutes les passions qu’elle suscite.

Ce conte cruel pose par ailleurs la difficile question du Mal, « définition arbitraire des hommes », en particulier à travers le personnage ambigu de Rock. Malfrat sans morale ni remords, cet être perfide entretient vis-à-vis de Toppei une relation de domination troublante. C’est la figure anarchiste de la série : adepte de la liberté absolue – et donc de la loi du plus fort - le jeune homme ne reconnaît aucune règle. Tout l’art de Tezuka est d’aborder cette réflexion sur la responsabilité sous l’angle du conte, un choix plein de légèreté agrémenté par une drôlerie toute personnelle.

En effet, l’auteur n’hésite pas à payer de sa personne et ne se ménage pas vraiment : représenté par un personnage au physique ingrat (pas si éloigné de la réalité…) et d’une crédulité outrecuidante, Tezuka se joue des règles scénaristiques en réalisant ici une structure chaotique où anticipations, flash-back et humour décalé bousculent sans ménagement l’agencement des cases de la BD. Les divagations amusantes du maître, soutenues par une histoire rythmée, ne manquent décidément pas de sel et méritent cette redécouverte.

Océane Brunet
( Mis en ligne le 25/02/2005 )
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