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Bande dessinéeet Manga  

Imbéciles heureux ! (vol. 3) - La beauté du sophisme
de Eishô Shaku
Delcourt 2005 /  7,50 €- 49.13  ffr. / 211 pages
ISBN : 2-84789-596-5
FORMAT : 13x18 cm

Et si c’était vous ?

Daisuke est un adolescent sans histoire plutôt studieux, jusqu’au jour où il sauve une jeune fille de la mort, alors qu’elle s’apprête à se jeter dans le vide. Mais loin de la remercier, la folle furieuse l’agresse violemment. La crise d’hystérie de l’inconnue manque de tourner au drame lorsqu’elle tente de tuer Daisuke en lui portant un terrible coup à la tête. Le garçon finit tout de même par l’apaiser et, pas rancunier pour deux sous, la ramène chez lui où sa mère les accueille glacialement.

Maître Ogawa, brillant avocat et actif opposant à la peine de mort, perd sa femme, sa mère et sa petite fille de trois ans dans un attentat. Comble de l’ironie, le criminel – un étudiant en physique digne successeur de Josef Mengele - lui demande son aide pour échapper à la peine capitale. Ogawa se trouve alors face à un cas de conscience déchirant…

Les nouvelles constitutives d’Imbéciles heureux ! s’appuient toutes sur le même canevas de base : un protagoniste sans histoire voit sa vie bouleversée par un élément perturbateur qui prend généralement les traits d’un adolescent borderline à la personnalité encore immature, passablement perturbé et multipliant les conduites à risque idiotes. Ainsi les personnages de Shaku, victimes de terribles concours de circonstances qui plongent leur quotidien tranquille dans le chaos le plus total, se trouvent-ils partagés entre leurs instincts les plus vils et une conscience morale qui les mine. Cette dichotomie cauchemardesque entre désirs et Raison sous-tend chaque page du manga, où l’absurdité des situations n’en atténue pas moins leur cruauté poignante.

Au travers d’un style profondément désabusé et d’un trait très expressif présentant des personnages souvent grimaçants, à la limite de la laideur, l’auteur excelle dans l’art de faire dégénérer ces courtes histoires : les catastrophes s’enchaînent jusqu’à un point de non-retour, pis-aller implacable et rageur qui écrase impitoyablement ces anti-héros sans envergure.
La violence crue du propos, les thématiques difficiles abordées (drogue, prostitution, suicide, « parenticide », etc.) et les sujets de société polémiques mis en avant dans la série malmènent avec joie le lecteur.
Torturé, agrémenté d’un humour noir acidulé et pamphlétaire, le manga vous pousse sans ménagements dans vos retranchements, touchant parfois du doigt le sublime : la nouvelle La vie en rose, au titre cruellement ironique, est tout simplement bouleversante et parvient en quelques pages à nous renvoyer à nos questionnements les plus douloureux, non sans une moquerie rageuse et salvatrice.

Enfin, ce qui choque avant tout dans cette galerie d’êtres destroy, ce sont non seulement les mots employés par les personnages mais aussi leurs actes, qui dépassent les uns comme les autres largement leur pensée. Et ça, ça fait très peur…

Océane Brunet
( Mis en ligne le 12/03/2005 )
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