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Bande dessinéeet Manga  

Terre de rêves
de Jirô Taniguchi
Casterman - Ecritures 2005 /  12.75 €- 83.51  ffr. / 176 pages
ISBN : 2-203-39619-9
FORMAT : 17 x 24 cm

30 millions d’amis

Il ne s’agit pas de brûler les idoles. Avec des albums aussi riches et intelligents que L’Homme qui marche ou Quartier lointain, Jirô Taniguchi est et restera l’un des grands maîtres de la bande dessinée. Un auteur complet qui, avec classe et beaucoup de style, a célébré l’idéal mariage entre le manga et, pour aller vite, l’école franco-belge.

Mais avec ce Terre de rêves, la douche est plutôt froide pour ne pas dire glaciale. D’abord, il y a cette espèce de livre patchwork bizarrement fabriqué, que Casterman vend de manière assez culottée comme le dernier one-shot de l’auteur japonais. Il s’agit en fait d’un recueil de cinq histoires dessinées entre 1990 et 1992. Les quatre premières histoires se suivent certes, mais la trame scénaristique est tellement ténue que l’on peut difficilement y percevoir une quelconque progression dramatique. Quant au cinquième récit, il est en singulier décalage, graphique et narratif, avec le reste, si ce n’est ce rapport avec la figure de l’animal, thème principal de l’ouvrage.

Les quatre premières histoires de Terre de rêves mettent en scène un jeune couple, passablement normal, qui ici est au chevet de leur chien mourant, là accueille une chatte, et plus tard regarde cette même chatte élever ses petits. À côté, Amélie Poulain fait figure de Mad Max. Car évidemment, on pourrait louer, comme on l’a souvent fait, le goût de Taniguchi pour mettre en scène ces petites choses du quotidien, mais quand cette sensibilité devient sensiblerie, l’irritation n’est pas loin. Plus encore lorsque tout ce joli rien est enrobé d’une philosophie pleureuse pour ne pas dire douteuse (« La mort d’un chien. La mort d’un homme. C’est la même chose »). Car si un album comme L’Homme qui marche tendait à l’universel dans la simple mise en images de la contemplation et du simple bonheur d’être, les aventures peu rocambolesques de Papa, Maman, du chien et des chats n’expriment que de vagues émotions diffuses noyées dans des gros moments d’ennui. Tout y est trop didactique, expliqué, amplifié et ampoulé, très loin de la sobriété des chefs-d’œuvre de Taniguchi.

Le cinquième récit, étrange pièce rapportée qui aurait plus sa place comme bonus au Sommet des Dieux, raconte histoire d’un grimpeur passionné par la montagne, et soudain prisonnier d’une vie de famille quelque peu contraignante. Mais son envie de gravir à nouveau l’Annapurna sera plus forte que tout… L’histoire se lit sans déplaisir mais reste tout de même en deçà du travail général de l’auteur.

Certes Taniguchi est la figure de proue de la collection « Ecritures » de Casterman et il semble que les éditeurs aient l’envie généreuse de publier une grande partie de l’œuvre du mangaka, mais devant l’importante production de Taniguchi, il y aurait des choix plus judicieux à faire. Rappelons par exemple qu’un album comme Icaro (en collaboration avec Moebius) n’a toujours pas été traduit en France…

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 07/05/2005 )
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