L'actualité du livre
Bande dessinéeet Manga  

Vampires (vol. 2)
de Osamu Tezuka
Asuka 2005 /  6,95 €- 45.52  ffr. / 279 pages
ISBN : 2-84965-048-X
FORMAT : 11x15 cm

L’associé du diable

La chance sourit décidément aux canailles dans ce bas monde puisque Rock, après avoir indûment hérité des Ônishi et séquestré leur fille pour toucher seul le pactole, mène grand train. Son dernier caprice : un luxueux manoir équipé de traquenards en tous genres et de joujoux aussi onéreux qu’inutiles. Mais ses plans sont en passe d’être compromis par l’arrivée inattendue de Saigo, un ami d’enfance qui, bien que bourru, se révèle d’une intégrité et d’une droiture d’esprit inflexibles. Et ce dernier ne semble pas prêt à rester le spectateur passif des horreurs commis par son compagnon…

Voilà donc une intéressante personnification du Mal au travers du personnage sans foi ni loi qu’est le machiavélique Rock. Terroriste sanguinaire sans la moindre conscience morale, ce démon en costume-cravate aspire à instaurer une société anarchique sans contraintes où la loi du plus fort serait la meilleure, balayant d’un geste toutes les règles de vie en communauté. Mais c’est un monde de chaos qui succède à cette impossible révolution. Tezuka fait ainsi le triste constat d’un échec cuisant qui se répète indéfiniment : toute révolte est la porte ouverte à un régime dictatorial, et son cortège d’espoirs finit bien souvent sacrifié sur l’autel de l’injustice et de la barbarie. Car c’est une véritable parodie de totalitarisme que nous présente ici l’auteur, avec un nouvel ordre établi par des vampires rebelles qui a tout d’un bon vieux régime stalinien.

La civilisation contre laquelle lutte Rock est somme toute un joug indispensable garantissant la sécurité de tout un chacun. Sans elle, pas de liberté. Tezuka semble vouloir nous signifier que ce carcan est le prix à payer pour pouvoir vivre en harmonie avec son voisin, même si celui-ci est vécu comme un asservissement par son protagoniste libertaire. Le mangaka de génie se fait donc peu d’illusions sur la nature humaine. C’est bien le démon qui sommeille en chacun de nous qui mène le monde, et le mythe du bon sauvage en prend pour son grade. Car le retour à l’état primitif que prônent les révolutionnaires de Tezuka n’est au final qu’une régression à une animalité cruelle où chacun serait autorisé à étriper son voisin chaque fois que le cœur lui en dit.

Ce qui marque par ailleurs, dans Vampires, c’est la discordance inquiétante qui s’immisce dans la narration et amalgame des images terribles à un style très naïf. Ce faux air enfantin, qui rappelle les univers de Gen d’Hiroshima et de L’Eau céleste, suscite un étrange malaise chez le lecteur. Mais Tezuka sait aussi faire montre d’un humour à la palette très étendue : du comique de situation à la parodie du péquenaud illettré, en passant par un humour pipi-caca et des remarques désobligeantes des protagonistes quant à la qualité des illustrations de l’auteur, rien n’est trop beau pour auréoler la série d’une note grinçante, voire carrément cynique. Et la moralité n’est pas toujours là où on l’attend…

Océane Brunet
( Mis en ligne le 21/05/2005 )
Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024



www.parutions.com

(fermer cette fenêtre)