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Bande dessinéeet Manga  

Initiation (vol. 2) - Secret nocturne
de Haruko Hashiwagi
Delcourt - Akata 2005 /  7,50 €- 49.13  ffr. / 204 pages
ISBN : 2-84789-690-2
FORMAT : 11x18 cm

Plus tard je ferai comme papa

Kebigasawa, petit village retiré de tout, abrite d’étranges mœurs. Kiitchi l’étranger va faire les frais de cette originalité : le voilà en effet entraîné dans un rite initiatique réservé aux jeunes garçons du coin, confiés aux bons soins de femmes expérimentées. S’ensuit alors une scène de dépucelage qui fera date…

L’auteur n’y va pas par quatre chemins dans ce second tome : usant d’un franc-parler un peu rude pour démystifier la sexualité sans fausse pudeur – et parfois avec quelque brutalité -, Hashiwagi lève rapidement les tabous qui accompagnent ce pan essentiel de la vie de tout être humain. Même le préservatif n’est pas oublié dans les scènes érotiques de «l’initiation», pourtant nimbée d’une aura ancestrale. La série prône ainsi les bienfaits d’une éducation sexuelle autant pratique que théorique, avec la perte de virginité comme passage irrévocable à la vie adulte. Le rôle du groupe et l’importance de la ritualisation de cette transition, réalisée ici par des adultes «encadrants», offrent une approche presque ethnologique du sexe, qui rappelle le célèbre roman L’Enfant noir de Camara Laye, où le statut d’adulte était là aussi gagné au prix d’un rituel parfois un peu traumatisant, orchestré par des anciens qui se montraient les garants de certaines valeurs primordiales pour la tribu, patrimoine jalousement préservé.

Sorte de Step up love story traditionaliste, l’œuvre s’inscrit ainsi dans la veine du manga érotique qui se veut aussi instructif que divertissant, et souligne tout ce qu’il peut y avoir de sociologique, d’ethnologique et même d’éthique dans la sexualité. Et de nous renvoyer au vide de notre société qui, sous prétexte de modernisme, parle de sexe comme on parlerait de voitures, banalisant sans vergogne cet acte fondamental pour en faire un objet insipide parce que sur-consommé. Car ce n’est plus le sexe qui dirige notre civilisation, mais notre civilisation qui dirige le sexe, le réduisant au rang de vulgaire argument publicitaire. Dans Initiation, ce n’est plus un droit inaliénable, mais bien un mérite. Ici, la sexualité reprend tout son sens et met à mal la vaste hypocrisie de nos sociétés dites «civilisées» qui considèrent celle-ci comme une évidence, alors qu’il n’y a probablement rien de plus complexe au monde.

Les particularités de la série (centrée sur le sexe et écrite par une femme, rien que ça…) méritent donc attention. On ne saurait dire si tout ceci relève du pur voyeurisme ou d’une réelle interrogation sur l’amour (dont il est finalement peu question ici), mais son étrangeté vaut bien le détour.

Océane Brunet
( Mis en ligne le 30/05/2005 )
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