L'actualité du livre
Bande dessinéeet Manga  

Corduroy
de Yamada Naito
Dargaud/Kana 2006 /  12,50 €- 81.88  ffr. / 230 pages
ISBN : 2-87129-839-4
FORMAT : 17x23 cm

À la dérive

Tout droit débarqué du Japon, Ryusei se retrouve par le plus grand des hasards à Paris, où il commence par improviser un spectacle de rue pour gagner un peu d’argent, avant de rencontrer une vieille nippone fripée qui lui propose d’assassiner son fils en échange d’une coquette récompense…

Composé d’une succession d’étranges saynètes (un homme organisant le suicide altruiste d’une inconnue, une quinquagénaire nymphomane et j’en passe), ce one shot décalé décrit dans un style très particulier à Naito le désargentement d’une jeunesse à la dérive. Ce jeune auteur féminin s’était déjà démarqué par des productions aussi insolites que À l’ouest de Tokyo et Beautiful world, qui abordaient de manière excessivement détachée –voire insensible- des thématiques sulfureuses (mort, sexe) sans aucun tabou. Ryusei, fil d’Ariane de ces histoires courtes, traverse ainsi l’œuvre en subissant passivement les aléas de l’existence. Personnage peu sympathique, le jeune homme collectionne des aventures sans lendemain et sans aucun sens, en ne trahissant jamais le moindre sentiment.

Ryusei ressemble d’ailleurs à une caricature des autres êtres qu’il croise, et reprend à son compte la substantifique moelle des travers de chacun. Égoïstes et d’une froideur polaire, tous offrent un désabusement amorphe entrecoupé par de rares scènes de passion subite auxquelles on a bien du mal à adhérer, souvent « surjouées » par des protagonistes habituellement d’une morosité déprimante.

Dégingandé et abattu, Ryusei souffre d’un dépaysement dévastateur dans un Paris tour à tour hostile et protecteur. Paumé, sans aucun repère et toujours entre deux voyages pathologiques, le jeune Japonais vit non pas en marge de la société, mais en parallèle. Sans emploi, souvent sans toit et le ventre toujours à moitié vide, le voilà vivotant à l’extérieur du monde réel (comprenez : celui des adultes) sans se cacher d’une certaine complaisance pour cette précarité savamment organisée. S’interdisant tout projet d’avenir, cet être insaisissable mène au petit bonheur la chance l’existence d’un chien abandonné, sans jamais se soucier du lendemain. Déroutant…

Océane Brunet
( Mis en ligne le 21/02/2006 )
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