Bande dessinée
Manga de Jirô Taniguchi et Yoshiharu Imaizumi
Dargaud/Kana - Made in Japan 2006 / 15,00 €- 98.25 ffr. / 279 pages
ISBN : 2-87129-918-8
FORMAT : 15x21 cm
Entre chien et loup
1893, état du Nouveau-Mexique. C’est sur cette terre aride et austère que le loup Lobo, leader charismatique d’une meute affamée, sème la panique chez les cow-boys en massacrant leurs troupeaux. Bien que la tête de l’animal soit mise à prix, personne n’est encore parvenu à le capturer. D’aucuns pensent d’ailleurs que le vieux loup est protégé par une force maléfique. La curiosité du naturaliste Ernest Thompson Seton est piquée au vif lorsqu’il apprend l’existence d’une telle bête, capable d’échapper aux balles et au poison…
Taniguchi s’attaque une fois de plus à l’épopée d’un homme méconnue et tout simplement passionnante. Les œuvres de ce mangaka se révèlent toujours d’une grande qualité graphique et d’un intérêt culturel étonnant. Ce premier tome plonge ainsi le lecteur au cœur d’une enquête trépidante, sur fond de décors de western. Seton, qui fut aussi l’un des créateurs des boys-scouts d’Amérique (organisation dont il se détacha rapidement, déplorant le militarisme ambiant), est présenté ici avec tous les paradoxes et les questionnements qui l’animent. Sa poursuite inlassable d’un mystérieux animal doué d’une intelligence hors normes trahit l’intolérance à la frustration qui anime en permanence l’Humain.
Le naturaliste sait effectivement que l’atteinte de son but sonnera l’arrêt de mort d’une bête pourtant digne d’admiration et tout à fait exceptionnelle. Mais ce gâchis ne peut le dissuader de continuer, et le malin plaisir que prend Lobo à déjouer ses tours ne fait que renforcer son entêtement idiot. Comme blessé personnellement par les pieds de nez du loup –à qui il attribue des intentions et des traits de caractère humains- Seton donne à l’affaire une tournure personnelle.
L’affrontement de ces deux egos mène évidemment à la tragédie, et Seton ne sort pas grandi de cette lutte déloyale. L’anthropocentrisme dont il fait montre dans le manga trahit d’ailleurs une mentalité quelque peu rustre, qui prend pour affront les vicissitudes d’un loup qui ne calcule ni ne prémédite aucun acte, quoi qu’en pensent les sbires de Seton.
Taniguchi mérite ainsi amplement son prix Tezuka Osamu de la culture (1998) et son prix des médias artistiques du centre culturel du Japon (2001) : rarement manga fut-il aussi riche d’enseignements et de vérité historique.
Océane Brunet
( Mis en ligne le 13/05/2006 )
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